Les pronoms de la division

Par: Annie-Ève Collin

Un billet paru récemment dans le Devoir porte sur des demandes d'adaptation de la langue française, de façon à ce que les personnes qui revendiquent une identité de genre non binaire se reconnaissent dans la manière dont on les désigne (se faire désigner en fonction de leur sexe, comme on fait avec tout le monde, ne leur convient apparemment pas). Ce genre de texte suscite toujours de l'opposition sur les réseaux sociaux, et ça n'a pas manqué sur la page Facebook du Devoir cette fois-ci. Plusieurs internautes ont réagi à cette opposition en commentant pour dire que ce n'est pas un gros effort à faire, de simplement changer quelques mots.

Et pourtant, cette opposition est tout ce qu'il y a de légitime, pour au moins trois raisons.

Premièrement, les changements demandés par les militants LGBTQ-alouette (comme je l'ai dit plusieurs fois : ne comptez pas sur moi pour apprendre les autres lettres de ce sigle qui devient ridiculement long et qui amalgame des choses qui n'ont rien à voir ensemble), bref, les changements demandés ne concernent pas seulement le langage. On demande aussi d'autres changements, comme par exemple des changements d'organisation dans des contextes où on sépare traditionnellement par sexe (souvent pour d'excellentes raisons, par exemple dans les sports et dans les vestiaires). 

Deuxièmement, même en regardant seulement les changements demandés en ce qui concerne le langage, en réalité, on demande bel et bien un changement considérable : la novlangue "non genrée" est passablement complexe, et en plus, les militants de l'idéologie du genre continuent d'inventer régulièrement des nouveaux concepts. 

Troisièmement, et plus important encore : qu'on demande un peu ou beaucoup de changement dans le langage, un point central ici, négligé par ceux qui prétendent que ce qu'on demande n'a que peu d'importance, c'est qu'on veut imposer aux gens de confirmer par la parole des croyances que beaucoup d'entre eux ne partagent pas, et je dirais même qu'on veut tout simplement nous imposer de confirmer des faussetés : on veut nous imposer de confirmer que des hommes sont des femmes (tout le monde est capable de voir que Bruce/Caitlyn Jenner n'est pas une femme), que des femmes sont des hommes (tout le monde est capable de voir qu'Ellen/Elliott Page n'est pas un homme), et que des gens ne sont ni l'un ni l'autre alors qu'ils sont bel et bien l'un ou l'autre (les personnes qui se disent non binaires sont bel et bien soit de sexe mâle soit de sexe femelle, elles sont donc soit des hommes soit des femmes ; invoquer l'existence de personnes intersexuées en prétendant que cela confirme les prétentions des personnes qui se disent non binaires est un sophisme, surtout dans la mesure où la majorité des personnes qui se disent non binaires ne sont pas intersexuées). 

Et ça, en soi, c'est une forme de violence : imposer aux gens de confirmer des choses dont ils voient bien qu'elles sont fausses, ou de confirmer des croyances qu'ils n'endossent pas, c'est leur causer du tort.

Ça devient d'autant plus violent si on demande aux gens de le faire à répétition. Et encore plus si on les enjoint de le faire faute de quoi ils seront étiquetés comme des méchants, des "transphobes", voire même des termes beaucoup plus injurieux (un bon nombre de militants de l'idéologie du genre ne se gênent pas pour traiter les gens de vidanges, de merdes, etc.)

Bref, contrairement à la prétention de certains, quand on nous demande de modifier le langage comme le souhaitent les personnes qui se disent non binaires, c'est gros ce qu'on nous demande, et on a parfaitement le droit de le refuser. 

Les gens peuvent s'identifier comme ils veulent, ils ont droit à leurs croyances, y compris de croire qu'ils ont une identité de genre non binaire, c'est leur liberté de conscience. Mais ils ne peuvent pas imposer leurs croyances aux autres. Tout comme je n'ai pas à confirmer à un chrétien qu'il a une âme, ni à un créationniste qu'il descend d'Adam et Ève, je n'ai pas à confirmer ses croyances à quelqu'un qui croit avoir une identité de genre. Ça ne veut pas dire que je ne respecte pas les chrétiens, ni que je ne respecte pas les personnes se disant non binaires: respecter les gens n'implique pas de confirmer leurs croyances alors qu'on ne les endosse pas.



SUIVEZ-NOUS SUR FACEBOOK