Au cours de la dernière
décennie, les plaques tectoniques de la politique se sont entrechoquées. À la
vieille opposition droite/gauche s'est juxtaposé le clivage politique qui
oppose désormais le camp patriote aux intérêts mondialistes, et qu'il l'a pour
ainsi dire remplacée dans certains pays, par exemple aux USA.
Élection après élection,
les deux mêmes véhicules s'affrontent en duel pour la Maison Blanche, mais
force est de constater que le clivage ne se situe plus sur la même ligne qu'en
2012, alors que Barack Obama affrontait son rival Républicain Mitt Romney.
Depuis plusieurs décennies, le choix s'est réduit à élire un candidat
Néo-Libéral du Parti Démocrate ou un candidat Néo-Conservateur du Parti Républicain:
deux aspirants qui allaient se soumettre à la volonté de l'État Profond et à
l'agenda mondialiste. Pas cette fois-ci.
En 2016, le populisme
fait irruption sur la scène politique américaine. Donald Trump, qu'on associe
au populisme de droite, réussit à prendre le Parti Républicain d'assaut [au
grand désarroi de son establishment], tandis que le Sénateur indépendant Bernie
Sanders, incarnant un populisme de gauche, tente parallèlement un coup
similaire dans le camp Démocrate. Le voeu de l'establishment Démocrate est
cependant exhaussé quand Hillary Clinton parvient à l'évincer.
Il en résulte une
cohabitation malaisée dans chacun des deux camps. La moindre, au Parti
Républicain, ou les populistes de droite [et l'aile libertarienne] doivent
coexister avec les Néo-Conservateurs qui dominaient jusqu'à l'arrivée de Trump
- le non interventionnisme militaire de ce dernier constituant une divergence
majeure. La plus clivante opposition se trouve cependant au Parti Démocrate,
entre une gauche économique socialisante et une centre droit néo-libéral, et
qui inclut l'interventionnisme militaire et les positions environnementales [en
termes de la radicalité de ceux-ci]. Pour faire un parallèle québécois, c'est
un peu comme si QS et le PLQ étaient réunis sous une même bannière [en excluant
leurs positions officielles sur la souveraineté, vu que cet enjeu ne s'applique
évidemment pas].
Aux USA et ailleurs, le
populisme de droite confronte le mondialisme sur ses deux fronts. D'abord par
son opposition aux traités de libre-échange globaux imposés par le
néo-libéralisme économique, auxquels il préfère approche commerciale plus
protectionniste, ne serait-ce qu'en privilégiant des accords de libre-échange
bilatéraux [ce qui n'aurait pas été qualifié de protectionniste il y a 30 ou 40
ans]. Et aussi par le rejet du politiquement correct, sur lequel repose le
cadre sociétal du mondialisme, qui préconise entre autres la libre circulation
des individus ou en d'autres termes: l'immigration massive [et même illégale].
Ainsi, le populisme de
droite est empreint d'un patriotisme et d'un conservatisme social, qui
surviennent comme réflexes de défense en réaction au progressisme
droit-de-l'hommiste et à sa mutation en néo-progressisme qui noyautent les
partis de gauche [et certains partis du centre et du centre-droit]. C'est sur
les questions identitaires, soit en tant que réaction au militantisme LGBTQ+, à
l'islamo-gauchisme et à l'auto flagellation occidentale qu'il soulève le plus
les passions - et qu'il parvient à séduire une partie de l'électorat
traditionnel de la gauche.
Le populisme de droite
comporte aussi, à différents degrés, ce qu'on appelle le climato scepticisme.
Ça peut aller d'un désaveu total du réchauffement climatique, au déni ou à la
minimisation de l'impact de l'activité humaine sur celui-ci. En bout de ligne,
on favorise ici l'adaptation aux changements climatiques plutôt que
l'application de mesures potentiellement économiquement nuisibles pour les
amoindrir.
Pour
terminer d'en ébaucher le portrait, sa nature populiste implique un rejet des
élites, qu'il s'agisse de la "vieille" classe politique [assujettie
aux intérêts mondialistes], des médias qui lui sont complaisants [pour ne dire:
les organes de propagande] et du gratin artistique qui promeut le narratif
politiquement correct. À l'heure où le progressisme intersectionnel donne lieu
à la "cancel culture", où tout ce qui contrevient à la rectitude
politique est évacué du discours public, le populisme de droite se veut
défenseur de la liberté d'expression. Sa conception de la démocratie est
traditionnelle [le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple]. Il s'oppose
ainsi au "gouvernement des juges" de l'État de droit. Ce dernier
point s'applique davantage, sinon essentiellement, au cadre européen. Aux USA,
cet aspect se traduit surtout par une volonté décentralisatrice.
Le populisme de gauche,
qui est moins souvent désigné par ce nom, s'oppose également au néo-libéralisme
économique [et revêt parfois un caractère carrément anti-capitaliste], mais au
lieu de revêtir l'étiquette anti-mondialiste du populisme de droite, prône un
alter-mondialisme socialisant qui embrasse les valeurs progressistes et
néo-progressistes. Le populisme de gauche est "vert", et trouve de
plus en plus souvent sa niche dans les mouvements écologistes.
À l'instar de la gauche
traditionnelle socialiste, le populisme de gauche cautionne plus d'intervention
étatique pour lutter contre les inégalités économiques et contre les
changements climatiques, tout en taxant davantage les plus riches et les entreprises.
Le principe de lutte marxiste y est cependant redéfini sur une base
"culturelle". Le prolétariat que défendaient jadis les partis de
gauche a été éclipsé par les minorités visibles et sexuelles. La notion
d'oppression systémique a remplacé celle de la lutte des classes. Sans qu'il ne
lui ait complètement tourné le dos, la classe ouvrière n'est plus sa priorité.
Ainsi,
le populisme de gauche s'inscrit dans le narratif politiquement correct. Il ne
marque pas tant un point de rupture avec le progressisme des cinquante
dernières années, mais un durcissement de son ton. Il fait de
l'intersectionnalité son socle idéologique et cautionne un rejet de tout ce qui
est traditionnellement occidental au nom de la lutte contre le colonialisme.
L'Occident devrait se culpabiliser et ses sujets doivent s'effacer pour céder
la place aux lésés de l'histoire.
Quand
il est exclu du choix électoral et qu'il se trouve acculé au pied du mur, le
populisme de gauche préfère généralement appuyer le centre-gauche mondialiste,
le centre, voire même la droite mondialiste. C'est ce qu'on a vu en France en
2017, quand la gauche a majoritairement appuyé Emmanuel Macron plutôt que
Marine Le Pen. On le voit aussi aux États-Unis, alors que le populisme de
gauche trouve sa niche au sein du Parti Démocrate, dont l'establishment n'a
pourtant rien de particulièrement gauchiste. Le Parti Démocrate peut néanmoins
se permettre de durcir son discours sur le volet sociétal en cautionnant le
néo-progressisme [les "identity politics"], parce que c'est un excellent moyen de
courtiser de vastes catégories d'électeurs.
La face économique du
mondialisme [qu'est le capitalisme débridé] peut facilement aller de paire avec
le narratif politiquement correct et s'associer à un néo-progressisme
intersectionnel qui atomise la société en la hiérarchisant en diverses
catégories d'opprimés par la majorité de souche. Le progressisme
intersectionnel ne contrevient absolument pas à la volonté
mondialiste d'effacer les identités nationales au profit d'une identité mondialisée
qui réduit l'individu à sa plus simple expression de consommateur.
Aux
États-Unis, le populisme de droite Trumpien affronte à la fois ses deux principaux
adversaires politiques: le centre-droit économique néo-libéral et la gauche
sociétale progressiste, qui font front commun contre lui. À noter que face à ce
choix binaire, nombre de Néo-Conservateurs [de la trempe du clan Bush]
choisissent aussi d'endosser le Parti Démocrate [parce que la droite populiste
se situe à la gauche de la droite traditionnelle en ce qui a trait aux
politiques commerciales, et qu'elle est militairement non-interventionniste].
Parallèlement, des personnes qui se revendiquent de la gauche se rangent du
côté du FBI, de la CIA et du complexe militaro-industriel: parce que l'État
profond, qui pouvait jadis dormir tranquille quand deux de ses pions
s'affrontaient, jette désormais son dévolu sur le camp Démocrate. Et tous les
coups semblent permis.
Quand on considère toutes
les tactiques du consortium médias "mainstream"/ Sillicon Valley
[réseaux sociaux]/ État profond/ Parti Démocrate pour nuire à Trump et pour
l'évincer, entreprises avant même son élection et qui s'intensifient dans la
campagne actuelle, on comprend que le populisme de droite ébranle sérieusement
les colonnes du pouvoir mondialiste.