Encore un document qui entretient la confusion au lieu d'expliquer

Par: Annie-Ève Collin

Les idéologues du genre, infatigables, s’acharnent à nouveau sur JK Rowling. Je vous rappelle que son « crime » est essentiellement de maintenir qu’être femme, c’est-à-dire femelle humaine, est une réalité avec laquelle il y a des humains qui vivent, une réalité qui n’est pas influencée par l’identité subjective qu’on se donne. Et aussi de soutenir le droit des femmes à ce que cette réalité, qui les concerne au premier chef, soit reconnue, prise en compte.

 

Dans une discussion anti-Rowling, que j’ai lue sans y participer, j’ai vu le lien suivant, pour un lexique sur le genre et l’identité sexuelle : https://equitas.org/wp-content/uploads/2018/03/Lexique-genre.docx.pdf?fbclid=IwAR1W_ec8U__fPteVapENtOizWfRSuUk0YKF8t7fGYXifsHC5yC5BmawveHU

 

J’ai entrepris de lire attentivement ce lexique, et y ai trouvé plusieurs incohérences, ainsi que certains passages trompeurs, que je vais exposer dans ce billet.

 

Une absence notable

 

Juste en regardant la table des matières, une chose a retenu mon attention, sans toutefois me surprendre : de ce lexique, les définitions des mots femme et homme sont absentes. On a inclus la définition de « personne intersexuée », mais pas celle de femme ni d’homme.

 

Cela ne me surprend pas parce qu’en effet, en voyant qui proposait aux autres de lire ce lexique, je me doutais qu’il était fait pour être au goût des idéologues du genre. Or les idéologues du genre partagent ceci (et jusqu’ici je n’ai rencontré aucune exception) : ils disent que la femme n’est pas la femelle de l’espèce humaine, et que ceux qui disent que c’est comme ça qu’on définit le mot femme sont transphobes parce qu’ils excluent les « femmes trans », mais JAMAIS ils ne spécifient une autre définition du mot femme.

 

Même quand on leur pose la question, soit ils font dévier la discussion, soit ils fournissent une réponse inadéquate qui ressemble à ceci : « quelqu’un qui s’identifie comme une femme » - or c’est une règle élémentaire, quand on définit un mot, de ne pas utiliser le mot qu’on cherche à définir dans la définition. Si je ne sais pas ce qu’est une femme, je ne sais pas non plus ce que veut dire s’identifier comme une femme.

 

Sexe et genre

 

Passons cependant aux définitions qui se retrouvent dans le lexique. La définition du concept de genre établit d’emblée un lien entre sexe et genre : le genre serait un ensemble de caractéristiques, de rôles et de comportements que la société attribue aux personnes selon leur sexe. Cette définition correspond à la façon dont on définit traditionnellement le genre en sciences sociales.

 

Il est dès lors établi que le genre est distinct du sexe, mais qu’il a un lien avec celui-ci, non seulement un lien social, mais aussi un lien conceptuel : si le genre est attribué selon le sexe, pour qu’un genre existe, il doit y avoir un sexe auquel l’attribuer ; il y a donc autant de genres que de sexes, pas davantage. Le document suggère pourtant qu’il y en a davantage à la page 8, dans la définition du concept d’identité de genre, où il est question d’un « éventail d’identités de genre au-delà des catégorie hommes et femmes ».

 

En poursuivant ma lecture, j’ai été étonnée, en fin de compte, que la lecture de ce document soit proposée par quelqu’un qui déteste manifestement Rowling et qui adhère à fond à l’idéologie du genre, puisque la personne qui a écrit le document semble avoir conscience que les mots femme et homme ont rapport avec le sexe des gens. En effet, elle écrit : « Le genre est différent du terme « sexe » lequel se rapporte aux différences biologiques entre les hommes et les femmes. » Cependant, cela entre en contradiction avec certaines choses écrites par ailleurs dans le document.

 

Il est écrit à plusieurs reprises dans le document « les femmes et les hommes et toute personne dont l’apparence ou le comportement ne correspond pas au modèle traditionnel féminin ou masculin ». Cela suggère que les personnes dont l’apparence ou le comportement ne correspondent pas au modèle traditionnel masculin ou féminin ne sont ni des femmes ni des hommes. Or, les personnes qui ne se conforment pas au genre que la société attribue aux personnes de leur sexe, sont quand même des femmes et des hommes. Ce n’est pas parce que des gens ne se conforment pas à des normes sociales qu’on veut leur imposer en raison de leur sexe, que ça change quoi que ce soit à ce dernier.

 

À moins de dire qu’être femme ou homme est une question de genre et non de sexe, mais alors, non seulement ça contredit la définition qui ressort aussi bien de l’usage général de ces mots que des dictionnaires, mais ça contredit également des choses qui sont écrites dans le même document que je suis en train d’analyser.

 

De plus, on retrouve une autre fois la même contradiction à la page 13, dans la définition du concept d’autonomisation : « Processus par lequel les femmes et autres identités de genres subordonnés (sic) à la majorité dominante prennent conscience (individuellement et collectivement) de l’impact que les relations de pouvoir ont sur leur vie [...] ». Il avait bien été établi précédemment dans le document qu’on est femme par son sexe, maintenant il est suggéré qu’on est femme par son identité de genre, l’identité de genre étant définie comme « l’expérience profonde que vit intérieurement chaque personne par rapport à son genre et cette expérience peut ne pas correspondre au sexe reçu à la naissance. »

 

Le document a certainement le mérite de reconnaître que les droits des femmes sont en lien avec l’égalité des SEXES (voir à la page 7) : c’est sur la base de leur sexe que les femmes se font attribuer un genre qui les place en position de soumission, de subordination, de désavantage économique. Cependant, encore une fois, ça entre en contradiction avec les parties du document qui suggèrent qu’on est femme par son genre plutôt que par son sexe.

 

Bien loin de clarifier la différence entre sexe et genre, ce document, comme tous les documents mettant de l’avant la notion d’identité de genre que j’ai lus, entretient la confusion, et entretient en même temps la confusion sur le sens des mots femme et homme. Il ne suffisait pas de ne pas les définir, on jette en plus la confusion sur le sens de ces mots.

 

Ah, le fameux concept d’identité

 

Ce passage, que l’on retrouve à la page 7 du document, est pour le moins critiquable : « L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des dimensions fondamentales de l’identité personnelle. » Premièrement, l’identité de quelqu’un, c’est en partie subjectif, les opinions peuvent varier sur quelles sont les dimensions fondamentales de l’identité personnelle de chacun. Tout le monde ne voit pas forcément son orientation sexuelle comme une dimension fondamentale de son identité personnelle. Cette façon de décréter une généralité sur ce à quoi les gens accordent de l’importance relativement à leur identité est discutable.

 

Deuxièmement, pour ce qui est de l’identité de genre, la majorité des gens n’en revendiquent aucune. La majorité des gens ont assez d’avoir un sexe. Ce n’est pas la première fois que je fais remarquer, tout en la déplorant, cette volonté d’imposer à tout le monde la notion d’identité de genre, alors que c’est une notion confuse, sans définition claire, sans assise empirique non plus, et qui n’intéresse qu’une minorité de personnes.

 

Pour ma part, je n’ai pas d’identité de genre. Je ne « m’identifie » pas comme une femme, je suis une femme, et ce, indépendamment de la façon dont je m’identifie. J’ai une marge de manœuvre pour forger mon identité subjective, ma personnalité, l’image que je souhaite projeter aux autres. Ma façon de m’identifier a évolué au cours de ma vie et elle évoluera encore. Par contre, mon sexe est ce qu’il est, sans que j’aie de contrôle là-dessus, et je serai toujours une femme quoi que je fasse.

 

Je pense pouvoir m’avancer à dire que la majorité des gens non plus ne pensent pas à « s’identifier » comme un homme ou comme une femme. Ils ont appris qu’ils étaient objectivement l’un ou l’autre. Ils apprennent la différence entre les deux catégories (fille/femme et garçon/homme) dans leur petite enfance, et apprennent de laquelle des deux ils font partie.

 

Sans doute que beaucoup de gens sont soucieux d’agir comme la société attend d’eux qu’ils agissent en fonction de leur sexe, mais ce n’est pas du tout la même chose que « s’identifier » comme un homme ou une femme; pour ça, ils ont simplement conscience d’être objectivement l’un ou l’autre, et aussi que ne pas être « à la hauteur » des attentes de la société ne changerait rien à leur sexe.

 

D’ailleurs, la majorité de ceux qui rejettent les normes qu’on veut leur imposer en raison de leur sexe, assument quand même leur sexe, du moins assez pour reconnaître qu’ils sont des hommes s’ils sont mâles, et des femmes si elles sont femelles. Ceux qui « s’identifient » comme une femme ou comme un homme, c’est souvent un signe qu’ils s’identifient comme ce qu’ils ne sont objectivement pas.

 

L’orientation sexuelle : difficile d’en parler sans mentionner le sexe des gens

 

La définition de l’orientation sexuelle est trompeuse, parce qu’elle est présentée comme l’attirance envers un genre, or l’orientation sexuelle est plutôt l’attirance envers un SEXE (ou envers les deux sexes pour les personnes bisexuelles).

 

D’ailleurs, il semble que l’auteur – ou les auteurs – du document le sachent, au fond, et qu’ils n’aient pas pris conscience de l’incohérence entre les définitions des différents termes liés à l’orientation sexuelle qui se retrouvent dans leur document. Alors que ce dernier présente l’orientation sexuelle comme le fait d’être attiré par certains genres plutôt que d’autres, il présente cependant l’homosexualité (le fait d’être lesbienne ou gai), l’hétérosexualité et la bisexualité comme des orientations sexuelles. Or l’homosexualité y est bel et bien définie comme le fait d’être attiré par des personnes de même SEXE que soi. L’hétérosexualité y est définie comme l’attirance pour des personnes « du sexe opposé ».

 

J’ajoute par ailleurs que le mot lesbienne est défini comme référent à une femme attirée par d’autres femmes, dans le même document où on présente l’homosexualité comme le fait d’être attirée par des personnes de même sexe ; le ou les auteurs manifestent à nouveaux qu’ils ont conscience qu’on est femme par son sexe, et non par son genre, même s’il y a des parties du document qui suggèrent le contraire.

 

Enfin une définition raisonnable du concept de transphobie!

 

Le document a le mérite de donner une définition raisonnable de ce qu’est la transphobie : « La peur irrationnelle des personnes qui transgressent, défient ou se détachent des expressions stéréotypées des normes genrées féminines ou masculines. La transphobie est souvent exprimée de façon subtile et évidente comme l’exclusion stéréotypée, l’harcèlement, la discrimination ou encore la violence. »

 

Enfin je dis raisonnable...disons qu’elle l’est presque, parce que les personnes qui transgressent, défient ou se détachent des expressions stéréotypées des normes genrées féminines ou masculines, ne sont pas forcément des personnes trans, contrairement à ce que suggère cette définition.

 

Cependant, ceux qui disent lutter contre la transphobie, présentent souvent comme de la transphobie le simple fait de définir le mot femme comme « femelle de l’espèce humaine », ou de dire qu’une personne de sexe mâle n’est pas une femme– et prétendre que définir le mot femme de la façon normale, et dire que les mâles ne sont pas des femmes, relève de la phobie, c’est un peu fort. Or, à la lumière de la définition du document, on voit bien qu’elle n’inclut pas cela comme de la transphobie.

 

Le fait d’exprimer des soucis pour la sécurité des femmes si on laisse les personnes de sexe mâle s’identifiant au genre féminin (les personnes que les idéologues du genre appellent des femmes trans) utiliser les espaces où les femmes sont vulnérables non plus n’est pas de la transphobie selon cette définition. En effet, ce souci n’est pas une peur irrationnelle, mais une crainte légitime pour la sécurité des femmes.

 

Il ne s’agit absolument pas de dire que toutes les personnes trans sont dangereuses, pas plus que le fait d’exclure les hommes de certains espaces intimes pour les femmes, ou de certains espaces où les femmes sont vulnérables, ne repose sur la présomption que tous les hommes sont des agresseurs. Il s’agit de tenir compte de la différence physique bien réelle et TRÈS généralisée entre les sexes : les hommes (peu importe le genre auquel ils s’identifient) sont plus forts que les femmes et les mêmes coups reçus peuvent causer des dommages plus graves à une femme qu’à un homme. C’est en raison de cette différence que les femmes ont des soucis de sécurité supplémentaires par rapport aux hommes, et c’est une différence entre les SEXES qui n’a rien à voir avec le genre.

 

L’histoire du féminisme revue et corrigée par les idéologues du genre

 

La définition du féminisme dans le document est trompeuse, car elle dit qu’il consiste à revendiquer l’égalité entre les genres, alors que le féminisme a toujours été une lutte contre les inégalités et les violences fondées sur le SEXE. Il n’y a qu’un féminisme passablement récent, revendiqué par des personnes qui prétendent qu’on est femme par son genre et non par son sexe – dont certaines vont même prétendre que le mot femme a toujours référé aux personnes selon leur genre ou selon leur identité de genre, affirmation dont on peut facilement montrer la fausseté en consultant l’usage populaire de ce mot, l’usage de ce mot en biologie, ou simplement un dictionnaire historique de la langue française – qui stipule que le féminisme est une lutte pour l’égalité des genres.

 

Confusion autour de la notion d’identité de genre

 

Le genre est social ; l’identité de genre est présentée plutôt comme quelque chose d’individuel et d’intime. Une confusion qui semble avoir mené les auteurs du document à une autre incohérence : « La masculinité est définit (sic) comme une identité de genre qui est socialement et historiquement construite. »  

 

Alors là, il faudrait savoir, parce que l’identité de genre a été définie dans le document comme « l’expérience profonde que vit intérieurement chaque personne par rapport à son genre et cette expérience peut ne pas correspondre au sexe reçu à la naissance. » Est-ce qu’elle est une expérience intime vécue par une personne, ou quelque chose de socialement et historiquement construit ?

 

Cela illustre bien quelque chose qui n’est pas exceptionnel dans les discours qui mettent de l’avant le genre et l’identité de genre : non seulement ces discours entretiennent la confusion entre sexe et genre, mais de plus, ils entretiennent la confusion entre deux sens différents au mot genre : tantôt c’est une construction sociale, tantôt c’est un sentiment individuel, et on passe d’un sens à l’autre comme si c’était la même chose.

 

On remarque d’ailleurs à nouveau la confusion entre sexe et genre dans l’article sur le concept Égalité des genres et évaluation : « Dans le domaine de l’éducation aux droits de l’homme, une démarche soucieuse de l’égalité des sexes en matière d’évaluation se traduit par la prise en considération – à chacune des étapes du processus d’évaluation – des différences d’implications pour les femmes, les filles, les hommes, les garçons et de toute personne dont l’apparence ou le comportement ne correspond pas au modèle traditionnel masculin ou féminin. » On passe d’égalité des genres dans le titre, à égalité des sexes dans la définition, pour ensuite répéter la même incohérence que je mettais plus haut en lumière : celle qui suggère que la non conformité dans le genre fait en sorte que quelqu’un n’est ni un homme ni une femme, alors qu’on vient de dire que c’était une question de sexe et non de genre.

 

Bref, ce document ne permet absolument pas de sortir de la confusion, ni de mieux comprendre quoi que ce soit, il entretient la confusion et empile les incohérences.

 

 

 

 

 

 



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