Le petit garçon et sa robe

Par: Annie-Ève Collin

Nous sommes maintenant nombreux au Québec à le savoir : le fils de Bianca Longpré souhaitait porter une robe pour son premier jour de maternelle et disait que ceux qui riraient de lui se feraient dire de se mêler de leurs affaires.


Quelle belle occasion pour la féministe critique du genre que je suis de rappeler la différence entre sexe et genre. Mais cette fois-ci, ce n'est pas aux idéologues du genre (les trans-activistes et leurs alliés) que je souhaite rappeler cette différence. Non, c'est plutôt à ceux qui se scandalisent que des parents laissent leur fils porter une robe pour aller à l'école. 

Notez que je laisse ici de côté l'objection d'une nature différente qui a été soulevée par Sophie Durocher et plusieurs autres personnes, à l'effet qu'on ne devrait pas étaler la vie d'un petit enfant en public. Cette objection est beaucoup plus sérieuse, mais elle n'est pas le sujet de ce billet.

Je vais plutôt me concentrer sur ceci : certains disent que c'est en laissant un garçon porter des robes qu'on ouvre la porte à la théorie (sic) du genre, après il va dire qu'il est une fille, et c'est comme ça qu'on en vient à dire des inepties comme de prétendre que des hommes peuvent avoir leurs règles et être "enceints", qu'il existe des femmes qui ont un pénis, etc.

Eh bien non : pas si on prend bien conscience de la différence entre sexe et genre. Le sexe est un fait biologique : notre espèce se divise en mâles (hommes, garçons quand ils sont prépubères) et en femelles (femmes, filles quand elles sont prépubères). Le pénis est une caractéristique des mâles, avoir ses règles, puisque ça implique de produire des ovules et de les évacuer, et une caractéristique des femelles, tout comme la possibilité d'être enceinte. C'est biologique, ce n'est en rien une construction sociale.

Le genre, par contre, est une construction sociale : c'est un ensemble d'interprétations culturelles des différences entre les sexes, qui parfois n'ont carrément aucun enracinement dans les différences biologiques. Le genre étant culturel, il est beaucoup plus malléable que le sexe. Dans les faits, on peut constater qu'il varie d'une culture à l'autre et qu'il évolue avec le temps.

Les différences entre les vêtements masculins et les vêtements féminins sont un exemple de différences qui ne relèvent en rien du sexe, qui relèvent complètement du genre. 

Il est impossible à un garçon d'avoir des menstruations (je ne dis pas qu'il n'a pas le droit, ça lui est tout simplement impossible, tout comme je ne dis pas que les chats n'ont pas le droit de voler, alors que les moineaux ont le droit, je dis que les chats ne peuvent pas voler, alors que les moineaux peuvent).

Par contre, il est possible à un garçon de porter une robe, et il n'y a pas de raison qu'il n'en ait pas le droit. Que ce soit contraire aux normes vestimentaires dans notre culture à notre époque, est indéniable, mais ce n'est pas une raison pour que ça ne change pas. À d'autres époques, il a existé des vêtements semblables à des robes qui étaient destinés aux hommes ; si ça a pu changer depuis ces époques-là, ça peut encore changer aujourd'hui. 

Il n'y a même pas si longtemps, on considérait que les pantalons étaient seulement pour les garçons et pour les hommes. Des premières femmes qui sont sorties de chez elles en pantalons, on a vraisemblablement dit le même genre de chose qu'on dit aujourd'hui des hommes en robe : "Mais ce n'est pas féminin! Les femmes vont avoir l'air d'hommes! On ne saura plus faire la différence entre les hommes et les femmes." (Et vous voyez, la différence entre les hommes et les femmes, la majorité d'entre nous la faisons encore sans problème.)

Qu'on admette un changement quant aux normes vestimentaires en acceptant que les garçons et les hommes portent des robes et des jupes, ne risque pas de mener à oublier que les garçons et les hommes ne peuvent pas avoir leurs règles ni être "enceints", si on a conscience de ce fait somme toute assez simple à comprendre : les normes vestimentaires dépendent de nos choix de société, alors que la biologie, non. 

Un garçon en robe, ça se peut, et ça reste un garçon.



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