Entre incohérence et souplesse

Par: Annie-Ève Collin

Les blagues sur la pandémie que nous vivons en ce moment se multiplient sur les réseaux sociaux. Dans les périodes difficiles, le rire est un allié précieux. J'en ai vu passer une hier, qui semble faire rire beaucoup de gens malgré qu'elle est la répétition d'une blague qui revient constamment à toutes sortes de sauce : si le vaccin contre la Covid-19 est testé sur les animaux, est-ce que les véganes vont préférer risquer d'être malades, hahaha?


Ça a beau être une blague, c'est une "objection" que les véganes rencontrent souvent : à quoi bon essayer de manger végétalien, éviter le cuir et la fourrure, boycotter les zoos, puisqu'ils ne peuvent pas avoir l'assurance que rien de ce qu'ils utilisent n'a impliqué l'exploitation d'animaux? Et s'ils se retrouvaient sur une île déserte et que tout ce qu'il y avait à manger, c'étaient des animaux, est-ce qu'ils préféreraient se laisser mourir de faim, hein? Hein? Hein???

Je me demande pourquoi, quand il est question de certains sujets, par exemple éviter de tuer les animaux, de les faire souffrir ou de les exploiter, autant de gens se mettent à parler comme si avoir des principes impliquait qu'on n'admet pas qu'il puisse y avoir des exceptions auxdits principes, ni que l'application de ces principes puisse dépendre du contexte.

Prenons deux exemples simples : on s'entend généralement pour dire que ce n'est pas bien de mentir. On s'entend aussi généralement pour dire qu'il existe des circonstances dans lesquelles il est préférable de mentir pour éviter certains problèmes plus graves. Ça n'invalide pas le principe selon lequel c'est habituellement mal de mentir.

Beaucoup de gens considèrent qu'il existe des situations dans lesquelles l'avortement est la meilleure solution qui s'offre à quelqu'un. Les gens qui ont cette opinion, acceptent tout de même par ailleurs le principe selon lequel il ne faut pas tuer un être humain.

On ne se moque pas des gens qui ont les positions qui viennent d'être décrites, ni ne les rabaisse en leur disant qu'ils se contredisent. Il faut faire la différence entre l'incohérence et la souplesse. Avoir une certaine souplesse quant à ses principes n'est pas de l'incohérence, ce n'est pas non plus un défaut, au contraire : les conceptions trop rigides de l'éthique risquent de ne pas être adaptées aux changements de circonstances et de mener au dogmatisme.

Si les véganes acceptaient un vaccin qui peut leur éviter une maladie mortelle et qui a été testée sur des animaux, ils ne seraient pas incohérents, ils feraient preuve d'une souplesse qu'on ne pourrait que comprendre : n'importe qui est prêt à piler sur ses principes quand il est question de sauver sa propre vie.

Les véganes évitent de contribuer à tuer, faire souffrir ou exploiter des animaux considérant que, d'une part, il y a des raisons d'éviter cela, et que d'autre part, il leur est possible de l'éviter dans le contexte dans lequel ils vivent.

Quand on lit des intellectuels qui défendent le véganisme, ils reconnaissent généralement qu'il a existé et qu'il existe des sociétés dans lesquelles la consommation de viande est justifiée parce qu'elle est nécessaire à la survie des humains.

N'importe quel végane, advenant qu'il doive tuer un animal pour sauver sa vie ou celle de son enfant, le ferait certainement.

En conclusion, une réponse déjà lue d'un végane qu'on cherchait à confondre en lui demandant ce qu'il ferait s'il était sur une île déserte avec un cochon et que le cochon était la seule chose qu'il peut manger : "Je mangerais certainement le cochon.
À mon tour de décrire une situation : si j'étais dans un contexte dans lequel je dispose d'une abondance de végétaux pour me nourrir et dans lequel la production de nourriture d'origine animale cause non seulement de la souffrance chez les animaux, mais aussi des maladies chez les humains à cause des conditions d'élevage ainsi que des ravages sur l'environnement, je choisirais de me nourrir seulement de végétaux.

Et la situation dans laquelle je suis, dans les faits, c'est celle que je viens de décrire et non celle que tu as décrite."



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