Dénormalisons la religion

Par: Admin

Un texte de Guy Perkins


Je suis complètement découragé de ce que j’observe dans la tourmente Martineau-Weinstock en ce moment. La seule et unique préoccupation de tous les commentateurs gravite autour de la forme et absolument rien sur le fond. Je ne vais pas revenir sur la forme car beaucoup (trop) a été dit déjà.

Bien sûr, Richard Martineau a manqué de justesse dans les paroles qu’il a attribuées à Daniel Weinstock. Et il s’en est excusé. Même chose du côté du ministre de l’éducation Jean-François Roberge qui a fait marche arrière après une décision prise beaucoup trop rapidement. Mais l’occasion était trop belle pour les anti-Martineau pour s’en donner à cœur joie à plus faim. Surtout quand on voit notre « ennemi » juré marcher sur une pelure de banane. Pourtant, Richard Martineau n’avait pas tout faux. Mais là n’est pas mon propos.

Ce que tout le monde oublie, c’est l’origine de ce capharnaüm : un débat sur des pratiques religieuses. Des rituels et des symboles religieux. En fait, toutes les strates de traditions et coutumes millénaires qui ont fini par faire oublier l’absurdité totale des croyances qui sont à la base de ces pratiques. De façon sournoise, tout ça a été normalisé. C’est là, au beau milieu de notre société, sans qu’on se pose trop de questions.

Ça va tellement loin que bien des philosophes s’accommodent de cette normalisation en jouant aux exégètes qui s’efforcent de rationaliser des trucs qui sont totalement irrationnels. Les contenus des livres religieux sont des « métaphores », se plaisent-ils à dire. Le problème est que les auteurs des livres sacrés ne les ont pas écrits dans cet esprit-là. Pour eux, c’était la Vérité divine et ils n’avaient aucunement l’idée de métaphore en filigrane.

Quand je vois des philosophes s’immiscer dans la chose religieuse, ça me fait penser au vieux gag de Groucho Marx qui disait : « Mon frère se prend pour une poule. Nous n’essayons pas de l’en dissuader car nous avons besoin des œufs. »

Sénèque, quant à lui, disait que la religion était considérée par le peuple comme vraie, par les sages comme fausse et par les dirigeants comme utile. Daniel Weinstock et plusieurs de ces « sages » collègues (pas tous) semblent trouver très utile et très profitable la poule religieuse. En tant que philosophe, débattre d’idées irrationnelles peut s’avérer très payant et peut aisément garnir un agenda, mais cela contribue malheureusement à la normalisation de la religion alors qu’on devrait plutôt s’affairer à la dénormaliser.

Que veut dire dénormaliser dans le contexte? Non, ça ne veut pas dire interdire. Ça veut tout simplement dire d’arrêter de prendre au sérieux une affirmation ou une interprétation du réel qui est sans fondement raisonnable et d’arrêter de la prendre en compte dans les débats sociopolitiques.

Par exemple, l’astrologie n’est pas normalisée. Personne ne va en tenir compte pour tout ce qui relève du débat public. Pourtant, plusieurs y croient sincèrement. Évidemment, nous n’aurions aucunement tendance à accepter collectivement qu’une personne définisse son identité primaire par son signe du zodiac et qu’elle exige des accommodements relatifs aux signes de son ascendance. Mais nous nous entendons tout de même pour dire que ça relève d’un choix personnel et pour dire que nous ne devrions pas en tenir compte dans la communauté, car cette croyance n’est pas soutenue par la méthode scientifique.

Puisque la science a parlé haut et fort en faveur de la rondeur de la Terre, nos institutions n’ont pas à débattre avec les tenants de la théorie de la Terre plate, peu importe la sincérité de leur croyance. Ce phénomène n’est donc pas normalisé.

Vous commencez à comprendre?

Pourquoi en serait-il autrement avec la religion? Pourquoi faudrait-il la normaliser? Il y a un parallèle à faire avec la théorie de la Terre plate. La religion, c’est quoi au fond? C’est une théorie selon laquelle un ou des êtres surnaturels personnels et transcendants seraient à l’origine de l’Univers et que la Terre en serait son centre.

On s’entend pour dire que la science et la méthode qui l’accompagne sont venues démystifier cette théorie complètement dépassée. Et, non, je ne vais pas acheter l’argument de la métaphore pour excuser la ténacité de ce vestige primitif de notre évolution.

Encore aujourd’hui, plus du trois quarts de la population mondiale fait partie d’un groupe religieux. La force du nombre n’a aucun poids dans la balance, car la pérennité du phénomène religieux passe essentiellement par l’endoctrinement des enfants dès leur naissance. Si l’adhésion aux religions relevait exclusivement d’un choix éclairé à l’âge adulte, cette proportion serait très certainement inversée.

L’hypothèse religieuse est dépassée à tous les niveaux. La neuropsychologie explique de façon très satisfaisante ce besoin innée de s’accrocher à ce genre de phénomène. Mais cela justifie-t-il de le normaliser? Non. Tout comme l’astrologie, ça doit demeurer une affaire personnelle qui n’a rien à voir dans le débat de société et qui ne donne aucun droit à de quelconques accommodements.

La philosophie débat de Dieu. Les mathématiques L’ignore. La climatologie n’en a pas besoin. La physique ne Le trouve nulle part. La biologie Le contredit. La logique Le tue.

Au final, ce n’est qu’une superstition. Ça a beau être payant pour certains philosophes, mais on a assez perdu de temps. Passons à un autre appel.



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