L'éthique de l'insulte

Par: Annie-Ève Collin

Le titre de ce billet vous surprend probablement. Ceux qui ont l’habitude de lire mes billets sur Discernement seront également surpris de constater que je vais parler de moi-même dans celui-ci, d’une expérience personnelle, ce qui n’est pas dans mes habitudes.
 
Ceux qui suivent mes publications autre part savent qu’il m’arrive de me moquer de personnalités publiques, en particulier des militant(e)s. Je le fais de manière irrévérencieuse, parfois avec des injures. Non seulement j'assume que je le fais, mais j'estime que la possibilité de se moquer n'est pas simplement protégée par la liberté d'expression. Elle en est même une implication importante. Se moquer, notamment de personnalités publiques, est selon moi un aspect incontournable de la vie humaine. L’humour a de l’importance, il sert à relâcher la tension, parfois à se défouler. Dans certains cas, il sert aussi de vecteur de critiques sociales.
 
Le genre de moqueries auxquelles je m'adonne, je suis capable de les prendre quand j'en suis la cible. Je vous donne un exemple : il n’y a pas si longtemps, une militante qui nourrit une féroce détestation à mon endroit m’a envoyé un mème qui a été réalisé à partir d’une photo de moi avec une amie qui a été trouvée sur ma page Facebook personnelle. Mon amie et moi nous sommes retrouvées sur une carte à jouer que vous pouvez apprécier vous-même ci-dessous :




Voilà le genre de moquerie que je me suis déjà permis, et je dois dire que ce mème, je le trouve excellent, même s’il est à mes dépens. Il est drôle, c'est une façon originale et punchée de nous envoyer un message à mon amie et moi. 
 
Le droit d’insulter sans humour fait aussi partie de la liberté d’expression. C’est un droit que j’exerce et que les autres peuvent exercer. 


N’empêche que certaines règles éthiques doivent s’appliquer à l'humour, à la moquerie et aux insultes. C'est là-dessus que je vais développer dans les prochains paragraphes.


P  Premièrement, il y a des contextes qui se prêtent à la moquerie ou à l’insulte et d’autres qui ne s’y prêtent pas. Par exemple, un enseignant en train de donner un cours, un député ou un ministre en train de faire une déclaration dans les médias, un avocat en train de présenter une plaidoirie, une vendeuse en train de servir une cliente, sont dans un contexte où l’insulte ou l’humour injurieux ne sont pas de mise. Un humoriste, lui, peut s'en donner à coeur joie, puisque c'est son métier. N'importe qui peut faire ce qu'il veut dans sa vie privée. Cela pourrait être longuement développé, mais ce sera pour une autre fois. Passons aux autres règles de l'éthique de l'insulte.
 

Il existe des limites qui ne devraient jamais être dépassées, même dans des contextes où on peut aller particulièrement loin dans l’usage de la liberté d’expression. 


    Pour ma part, il y a des limites que je respecte toujours. Je ne fais jamais de commentaire gratuit sur la santé mentale des gens. Je ne parle pas de la sexualité des gens (ni réelle ni supposée). Je ne fais aucune supposition sur leur vie privée. Je ne me permettrais jamais d'inciter quelqu'un à se suicider (après tout, surtout quand on ne connaît pas personnellement les gens à qui on s'adresse, on ne sait jamais quels dégâts une telle "blague" peut causer). Je ne fais jamais circuler de fausses rumeurs, encore moins de fausses accusations. Jamais je ne chercherais non plus à nuire vraiment à quelqu’un, en cherchant par exemple à lui faire perdre son emploi ou ses tribunes, ou encore avec des fausses accusations.

 
Ces limites, je ne les dépasse jamais et je considère qu’il est légitime de ma part de m’en plaindre quand on ne les respecte pas avec moi. Or, j’ai bien des détracteurs qui se scandalisent quand je me moque des gens, mais qui ne respectent pas ces limites. Ni avec moi, ni avec les autres personnes à qui ils s’en prennent.
 
J’en reviens à mon expérience personnelle : un couple dont je tairai les noms m’a fait des coups bas depuis quelques années. La femme a fait circuler des fausses accusations de harcèlement et de racisme à mon sujet. À ce sujet, j'en profite pour faire une distinction cruciale à mes yeux : un insulte et une accusation, ce n'est pas la même chose. On ne peut pas comparer le fait de traiter quelqu'un d'imbécile avec le fait de traiter quelqu'un de raciste : "imbécile" est une insulte, "raciste" est une accusation. Pour accuser quelqu'un de racisme, ou d'autre chose, il faut avoir des preuves solides.


    Cette femme a aussi invité ses amis à chercher à me nuire au travail et à me traquer sur Facebook. Elle me traite de vidange humaine. L’homme m’a fait à peu près la même chose il y a un an et demi : suite à un mème moqueur (du même niveau que celui avec la carte de deux de pique que vous avez pu admirer plus haut) que j’avais fait, il semble avoir considéré qu’il était en position de jouer à la police des mœurs. Il a invité ses contacts Facebook à joindre mes patrons pour leur faire part de ce que je faisais, en leur indiquant où je travaille. Ça, ce n'est certainement pas de la critique, ni de l'humour ni même des insultes, ça s'appelle du doxxing, et c'est une chose à laquelle je ne me suis jamais adonnée.
 
De mon côté, il m’arrive d’injurier ces deux personnes, ou de me moquer d’elles (et en toute franchise, seulement depuis qu'elles s'en sont prises à moi). Comble de l’ironie, elles prétendent que c’est moi qui les harcèle! Pour de simples insultes, alors qu'elles, non seulement envoient des meutes de militants après moi, mais cherchent aussi à m’atteindre dans ma vie professionnelle!
 
Tout cela pour illustrer des principes généraux. L’éthique de l’insulte comporte au moins les principes suivants :


- Se moquer et insulter sont des droits ;

- des limites s'appliquent et elles varient selon les contextes ;
- tout le monde a un devoir de tolérance par rapport à la moquerie et aux insultes ;
- a fortiori, quand on se moque des gens ou qu'on insulte les gens soi-même, il faut accepter qu'on peut se faire faire la même chose ;
- la moquerie et l'insulte sont à distinguer des fausses rumeurs, des accusations infondées et du doxxing ; quelqu'un qui se moque ou insulte n'a pas à tolérer qu'on porte des fausses accusations contre lui, ni qu'on cherche à lui nuire dans sa vie personnelle ou professionnelle.



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