Nouvelles religions, nouveaux prophètes

Par: Annie-Ève Collin

Certains auteurs respectables, comme Mathieu Bock-Côté et Jérôme Blanchet-Gravel, ont à l’occasion présenté des idées sociales et politiques contemporaines comme des nouvelles religions, comme des substituts qui viennent prendre la place de la religion chrétienne. Selon eux, on a rejeté la foi de nos ancêtres, mais l’humain étant ce qu’il est, avec son besoin de sens, d’idéaux, de cohésion, se tourne vers autre chose.

 

Ce point de vue n’a pas tout faux, cependant, Bock-Côté et Blanchet-Gravel présentent cela comme quelque chose de négatif. À mon sens, on peut y voir du positif, surtout si on prend garde de tomber dans le dogme et dans le culte de personnalités.

 

L’environnementalisme et le véganisme font partie des idées sociales et politiques critiquées et pointées comme étant des nouvelles religions. On remarque que d’aucuns reprochent aux porte-parole de ces idéaux de ne pas être aussi extraordinaires que leurs admirateurs veulent bien le croire, on les soupçonne d’avoir un agenda caché, ou encore d’être instrumentalisés pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec la cause qu’ils semblent défendre. Les réactions autour de Greta Thunberg ne sont qu’un exemple de ce genre de cas, où une personne devient, bon gré mal gré, représentante de tout un système de convictions, et du coup se retrouve adulée par les uns et honnie par les autres.

 

Il n’est pas faux que l’environnementalisme et le véganisme peuvent donner lieu à des dérives, devenir des ensembles de dogmes et ouvrir la porte à diaboliser ceux qui ne seraient pas « assez bons ». Le danger d’idéaliser, voire de diviniser certaines personnes existe également. Mais ce qui existe bel et bien aussi, c’est le besoin de mouvement collectif, et l’humain a souvent besoin de mettre un nom, voire un visage, sur les mouvements collectifs.

 

Les grandes religions sont certes devenues des dogmes, en plus d’être tricotées de mythes absurdes – je suis la première à dire qu’il est déplorable que des adultes capables d’être raisonnables par ailleurs croient sincèrement qu’une femme ait pu donner naissance à un enfant sans être fécondée par un homme, et c’est le cas de nombreux chrétiens et musulmans, et ce n’est qu’un exemple de croyance absurde. Cependant, ceux qui étudient l’histoire des religions peuvent montrer qu’au moment où ces religions ont commencé, elles répondaient à des problématiques que les sociétés où elles sont nées devaient gérer.

 

Que les sociétés d’aujourd’hui établissent des nouveaux idéaux, adaptés à notre époque, n’est pas mauvais en soi. Il faut prendre garde de refaire l’erreur de diviniser des êtres humains, de tomber dans le culte de la personnalité et dans un dogmatisme qui mène à diviser le monde en bons et en mauvais. Mais il ne faut pas tout balayer du revers de la main : l’environnement et nos rapports avec les animaux sont des problématiques contemporaines. Il faut prêter l’oreille à ces discours, sans tomber dans le dogmatisme ni le culte des personnalités ; je sais que ce n’est pas facile, mais c’est un élément de la vie humaine.

 

Je me suis peu intéressée à Greta Thunberg, mais j’ai eu l’occasion de voir qu’on parle beaucoup plus de sa personne, et des motivations cachées qu’elle ou ceux qui sont derrière elle pourraient avoir. Voilà quelque chose qui est selon moi à éviter. Il faut parler des idées, pas des gens.



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