Certains auteurs
respectables, comme Mathieu Bock-Côté et Jérôme Blanchet-Gravel, ont à
l’occasion présenté des idées sociales et politiques contemporaines comme des
nouvelles religions, comme des substituts qui viennent prendre la place de la
religion chrétienne. Selon eux, on a rejeté la foi de nos ancêtres, mais
l’humain étant ce qu’il est, avec son besoin de sens, d’idéaux, de cohésion, se
tourne vers autre chose.
Ce point de vue n’a pas tout
faux, cependant, Bock-Côté et Blanchet-Gravel présentent cela comme quelque
chose de négatif. À mon sens, on peut y voir du positif, surtout si on prend
garde de tomber dans le dogme et dans le culte de personnalités.
L’environnementalisme et le
véganisme font partie des idées sociales et politiques critiquées et pointées
comme étant des nouvelles religions. On remarque que d’aucuns reprochent aux
porte-parole de ces idéaux de ne pas être aussi extraordinaires que leurs
admirateurs veulent bien le croire, on les soupçonne d’avoir un agenda caché,
ou encore d’être instrumentalisés pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec
la cause qu’ils semblent défendre. Les réactions autour de Greta Thunberg ne
sont qu’un exemple de ce genre de cas, où une personne devient, bon gré mal
gré, représentante de tout un système de convictions, et du coup se retrouve
adulée par les uns et honnie par les autres.
Il n’est pas faux que
l’environnementalisme et le véganisme peuvent donner lieu à des dérives,
devenir des ensembles de dogmes et ouvrir la porte à diaboliser ceux qui ne seraient
pas « assez bons ». Le danger d’idéaliser, voire de diviniser
certaines personnes existe également. Mais ce qui existe bel et bien aussi,
c’est le besoin de mouvement collectif, et l’humain a souvent besoin de mettre
un nom, voire un visage, sur les mouvements collectifs.
Les grandes religions sont
certes devenues des dogmes, en plus d’être tricotées de mythes absurdes – je suis
la première à dire qu’il est déplorable que des adultes capables d’être
raisonnables par ailleurs croient sincèrement qu’une femme ait pu donner
naissance à un enfant sans être fécondée par un homme, et c’est le cas de
nombreux chrétiens et musulmans, et ce n’est qu’un exemple de croyance absurde.
Cependant, ceux qui étudient l’histoire des religions peuvent montrer qu’au
moment où ces religions ont commencé, elles répondaient à des problématiques
que les sociétés où elles sont nées devaient gérer.
Que les sociétés d’aujourd’hui
établissent des nouveaux idéaux, adaptés à notre époque, n’est pas mauvais en
soi. Il faut prendre garde de refaire l’erreur de diviniser des êtres humains,
de tomber dans le culte de la personnalité et dans un dogmatisme qui mène à
diviser le monde en bons et en mauvais. Mais il ne faut pas tout balayer du
revers de la main : l’environnement et nos rapports avec les animaux sont
des problématiques contemporaines. Il faut prêter l’oreille à ces discours,
sans tomber dans le dogmatisme ni le culte des personnalités ; je sais que ce n’est
pas facile, mais c’est un élément de la vie humaine.
Je me suis peu intéressée à
Greta Thunberg, mais j’ai eu l’occasion de voir qu’on parle beaucoup plus de sa
personne, et des motivations cachées qu’elle ou ceux qui sont derrière elle
pourraient avoir. Voilà quelque chose qui est selon moi à éviter. Il faut
parler des idées, pas des gens.