On ne quitte jamais définitivement
son pays et son passé quand bien même, sous d’autres cieux choisis, on a espoir
d’une vie plus sereine dans une société magnanime, ce qui s’est avéré en vivant
au Québec.
Loin de ce qui fut mon chez moi, j’ai pour
habitude de partager tout article traitant des droits des femmes avec mes amies
restées en Algérie. C’est notre façon de continuer notre militantisme commun.
Je n’oserai jamais comparer leur engagement militant en Algérie, même si le
terrorisme a disparu, à mon militantisme ici au Québec et surtout au Canada.
C’est ainsi que je leur fis parvenir l'article
sur les Raptors de Toronto qui nous
informait que ceux-ci lançaient avec Nike un hijab à leur effigie et faisaient
l’apologie de l’équipe féminine de basketball, les ‘’Hijabi Ballers’’. La
lecture du contenu leur a semblé ahurissant du fait qu’il présentait le voile
comme un vêtement avant-gardiste, alors que nous le définissions en Algérie
comme notre étoile jaune, car entaché de sang. Leurs réponses furent unanimes
pour rejeter la définition du mot ‘’courage’’ employé outrageusement
dans l’article pour parler de femmes qui ont décidé de définir leur vie selon
des critères qui s’inscrivent dans une tradition islamiste.
Est-ce qu’on adjoint systématiquement le
qualificatif de ‘’musulmanes’’ à ce
groupe de femmes voilées afin de stigmatiser toutes celles qui, musulmanes, ne
portent pas le voile? Ce voile dit islamique, mais qui n’a aucune existence
dans le Coran.
Mes amies, restées en Algérie, m’ont rappelé avec
tristesse et émotion qu’il fut un temps où le mot courage définissait
unanimement la résistance au quotidien des femmes algériennes face à
l’intégrisme islamiste qui sévissait durant la décennie noire des années 90.
En ce temps-là, moi aussi, je vivais en Algérie
et partageais cette terreur. Le courage avait un autre visage que celui de
l’équipe féminine de basketball des ‘’Hijabi Ballers’’ encensée par les
Raptors.
Le courage avait le visage de Katia Bengana assassinée à
la fleur de l’âge-17ans- pour avoir refusé de porter le voile de l’islam
politique, comme étendard du salafisme
et du wahhabisme. Elle sortait du lycée et son instruction menaçait l’idéologie
de son assassin. Elle croquait la vie à pleines dents alors que son bourreau
glorifiait la mort.
Le courage avait le visage de Ratiba Hadji,
professeure à l’École d’architecture et d’urbanisme qui fut assassinée en 1995
dans sa voiture pour avoir refusé le diktat des fous de Dieu. Il n’était pas
permis d’être femme et d’enseigner dans un domaine dit masculin.
Le courage avait le visage de Yasmina Drici,
27 ans, du journal Le Soir d’Algérie, kidnappée et égorgée parce que femme,
journaliste et non voilée. Ses assassins la qualifiaient de dangereusement
armée, car elle savait manier le stylo aussi bien qu’ils maniaient le couteau
qui lui trancha la gorge.
Ici au Québec, le courage a aussi
le nom de cette adolescente de
Victoriaville qui osa désobéir à sa famille en
dénonçant un mariage forcé. Elle a vite compris qu’au Québec elle avait droit à
une protection contre le diktat familial.
Le courage porte le nom de la
jeune Saoudienne Rahaf Mohammed Al-Qunun
fuyant famille et pays au péril de sa vie.
Le courage ce sont ces femmes
iraniennes qui défient l’obligation du voile et se retrouvent condamnées à la
prison, voire au fouet.
Le courage ce sont ces femmes dites
musulmanes de toutes origines qui ici même au Canada vivent sous menace permanente
de l’orthodoxie religieuse et de la pression communautariste.
Le courage ce sont ces femmes
saoudiennes* qui ont décidé de se promener dans les rues de Ryad têtes
découvertes et cheveux au vent sachant que chaque pas peut leur être fatal.
Le courage a le nom de toutes ces
femmes vivant dans ces pays où la religion est force de loi et le patriarcat
est le mode de vie imposé à toutes les femmes, celles qui survivent à un
quotidien oppressif.
Le courage a le nom de toutes ces
femmes vivant dans des sociétés qui leur sont hostiles parce que nées femmes,
avec un sexe féminin, et qui chaque matin prennent le risque de ne jamais
pouvoir retourner chez-elles le soir après avoir passé une journée à travailler
pour nourrir toute une famille. Malgré cette menace permanente, elles ne
baissent pas les bras et affrontent la folie des lâches se barricadant derrière
leurs textes religieux au nom d’un Dieu punitif, vengeur et misogyne. Et
pourtant ce sont ces mêmes hommes qui violent et assassinent les femmes sur
terre et qui rêvent de soixante-dix vierges au paradis.
+De là où nous
sommes, pour toutes ces femmes courageuses et lumineuses, soyons solidaires de
leur combat contre l’obscurantisme.
Interdisons-nous de porter Nike et toute autre marque
qui promeuvent le patriarcat et le sexisme.
Un geste élémentaire pour nous mais fondamental pour
ELLES.
Leila Lesbet, Québécoise et
militante féministe universaliste.
*https://www.youtube.com/watch?v=obJngvrRMuc
*https://www.youtube.com/watch?v=wt9fXLdwOKs
*https://www.nike.com/ca/fr_fr/c/women/nike-pro-hijab