Jeune Juliette

Par: Annie-Ève Collin

Hier soir, je suis allée voir ce film, dont l'héroïne est une adolescente en surpoids, victime d'intimidation. Le film est sympathique. Il fait penser aux téléromans pour adolescents. Anne Émond a su construire des personnages qui pourraient être des adolescents qu'on a soi-même connus. Je la remercie de ne pas être tombée dans les voeux pieux, et de nous avoir présenté des personnages complexes. Il n'y a pas des gentils et des méchants, dans ce film, il y a des adolescents qui agissent comme des adolescents.


Après le film, il y avait une période de questions et de discussion avec Anne Émond et les actrices qui jouaient les deux rôles principaux. Le premier commentaire fut que c'était bien qu'on se décide à parler de l'intimidation, qu'un film comme ça ferait sûrement une différence. Anne Émond, qui a le même âge que moi, a répondu qu'en effet, à l'époque de sa propre adolescence, on n'en parlait pas, et ce genre de film n'existait pas.

C'est loin d'être la première fois que j'entends ça. Mais si, ce genre de film existait à l'époque de l'adolescence d'Anne Émond (qui est aussi l'époque de ma propre adolescence)! Ce genre de film existe depuis longtemps - notez que ça n'enlève rien à la valeur du travail d'Anne Émond.

Il est manifeste que des films montrant l'intimidation chez les enfants ou les adolescents, n'empêchent pas cette dernière d'exister. Font-ils quand même une différence pour certains jeunes? Fort probablement. Cependant, j'émets l'hypothèse que leur impact sur les jeunes qui en intimident d'autres ne peut être que limité.

Pourquoi? Parce que même si un adolescent participe à de l'intimidation, je doute qu'il s'identifie aux personnages intimidateurs en regardant ce genre de film. Probablement que les adolescents sont nombreux à considérer le comportement des personnages intimidateurs comme immoral. Cependant, quand on agit d'une façon que l'on considère immorale en théorie, on a tendance à se convaincre soi-même que ce qu'on est en train de faire, "ce n'est pas la même chose". 

Par exemple, quand on ment, on trouve des raisons de dire que ce n'est pas vraiment un mensonge, ou que c'est un mensonge sans importance et que ce n'est pas comme si on mentait tout le temps sur des choses importantes. Quand on prend des petites choses qui ne nous appartiennent pas, ça ne fait pas de nous des voleurs, nous avions des bonnes raisons de le faire et ça n'a fait de mal à personne.

La même chose se produit pour l'intimidation. Je me demande si beaucoup d'adolescents font même le lien entre les personnages qui intimident d'autres personnages dans un film qui traite d'intimidation, et leur propre comportement. Peut-être que de leur point de vue, ils taquinent simplement un autre élève de temps en temps, mais ils n'intimident personne. Ou encore, peut-être qu'ils sont convaincus qu'eux, ils ont des bonnes raisons de rejeter telle personne, alors ce n'est pas de l'intimidation qu'ils font. 

Il me semble probable que ceux qui s'identifieront à des personnages de ce genre de film, ce sont ceux qui sont victimes d'intimidation. Ils se reconnaîtront dans les personnages qui sont victimes d'intimidation. Ce n'est pas inutile : savoir qu'on n'est pas seul à vivre quelque chose aide déjà à relativiser. 



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