Les musulmanes voilées sont traitées exactement comme tout le monde

Par: Annie-Ève Collin

Il est commun d'assimiler le fait qu'il soit difficile, pour une femme voilée, de trouver un emploi, à du profilage racial. Or, ce n'en est pas, et la comparaison n'est pas à faire avec ceux qui hésiteraient à engager des Noirs, des Arabes, des Juifs ou des gens de je ne sais quelle ethnie. La comparaison n'est pas non plus à faire avec ceux qui hésiteraient à engager des personnes homosexuelles, ni même avec ceux qui hésiteraient à engager quelqu'un en raison de ses convictions. La comparaison à faire est avec ceux qui se présentent en entrevue en portant des signes avec un sens clairement établi socialement. Il y a une différence entre avoir une conviction, et l'afficher de façon ostensible en tout lieu.


Quand on lit des documents présentant des conseils pour augmenter ses chances de se faire embaucher lorsqu'on est en recherche d'emploi, on remarque que ces documents incluent toujours des conseils quant à la tenue vestimentaire. Il faut éviter que sa tenue vestimentaire attire l'attention, détournant celle-ci d'autre chose de plus pertinent. Aussi longtemps que les êtres humains auront des yeux fonctionnels, l'aspect visuel comptera ; aucune loi ni aucune règle éthique ne pourra jamais empêcher ça.

Le fait d'afficher des convictions lorsqu'on se présente en entrevue, risque de vous faire passer pour quelqu'un qui tient davantage à faire la promotion de ces convictions qu'à prouver ses compétences. Ou encore, cela peut susciter des réactions négatives chez des gens qui ne souhaitent pas être exposés à ce genre de publicité (parce qu'afficher des convictions par son habillement, c'est en faire la publicité, peu importe que telle soit l'intention du porteur ou non).

Si quelqu'un tient à se présenter en entrevue avec un t-shirt à l'effigie d'Eminem ou de Slayer, avec un logo de Green Peace, avec un logo du Canadien, avec un signe féministe, avec le logo d'un parti politique, avec un symbole anarchiste, avec n'importe quel signe qu'il voudra, il est dans son droit. Seulement, il aura été prévenu que ça pouvait jouer contre lui. Il en va de même pour une personne qui tient à se présenter en entrevue en affichant sa religion.

En ce qui concerne le voile, on peut même faire la comparaison avec ceux qui se présenteraient en entrevue en portant des signes discriminatoires. Le voile est un signe sexiste, cela est amplement documenté, et seuls ceux qui refusent a priori d'en être convaincus n'accordent aucun poids aux nombreux arguments qui appuient cette conclusion. S'il est déjà peu stratégique de se présenter en entrevue avec un signe qui montre clairement une certaine allégeance, ce l'est encore moins s'il s'agit en plus de l'adhésion à des idées sexistes, racistes, homophobes ou autres.

Certains voudront m'objecter que la charte des droits protège la liberté de religion. Aucune charte des droits n'empêchera jamais les gens d'être heurtés par un signe discriminatoire. Les femmes qui portent un voile reçoivent le même traitement que quiconque porterait un signe discriminatoire. En fait non, vous savez quoi : elles sont déjà privilégiées par rapport à ceux qui portent des signes discriminatoires non religieux. Dans leur cas, nos institutions voudraient nous empêcher d'avoir une réaction légitime face à un signe discriminatoire, sous prétexte de respecter la liberté de religion.

Pour à peu près n'importe quel autre signe, il est au moins possible pour l'employeur de dire : "Si nous vous engageons, il faudrait que vous respectiez un code vestimentaire qui stipule notamment que vous ne devrez pas porter ce signe quand vous êtes au travail." Étant donné que cela est impossible pour un signe religieux, il n'est pas étonnant que des employeurs passent discrètement par la porte de derrière : ils trouvent une autre raison de ne pas retenir la candidature des personnes qui en portent. Aucune loi n'empêchera jamais les signes religieux d'être des signes comme les autres, qui suscitent le même genre de réaction que les autres.

Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier : les règles formelles suivent chronologiquement les règles informelles, et non l'inverse. Il y a des limites aux changements que l'on peut forcer dans la société en établissant des lois.



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