Une parti islamique en Ontario...parlons de laïcité!

Par: Annie-Ève Collin

- Vous savez, le copain de ma tante est musulman, mais quand il vient à nos fêtes de famille, il boit du vin avec les autres.

- Mais ce n'est pas un vrai musulman alors!


Voilà un extrait d'un échange que j'ai eu avec un musulman. Et j'en ai eu d'autres semblables. S'il est homosexuel, ça ne lui sert à rien de faire le ramadan, une femme qui ne porte pas son voile n'est pas une vraie musulmane, si tu désobéis à telle ou telle prescription, tu n'es pas vraiment musulman, etc. Certains sont choqués par ce genre de propos. On reproche aussi souvent à des militants anti-théistes comme Dawkins, Harris, Coyne ou d'autres de dire que les religieux qui en prennent et en laissent selon leur convenance dans leur religion sont inconséquents. On leur reproche de faire la même chose que les religieux intégristes. Ce genre de positions peuvent peut-être vous choquer, mais elles sont légitimes de la part de citoyens et d'auteurs. Elle ne serait pas légitime dans une démocratie caractérisée par des droits individuels si elle était adoptée par des institutions de l'État.


Or, on apprend qu'il y aura peut-être bientôt un parti islamique en Ontario. Combien d'autoproclamés "Inclusifs" a-t-on entendus dire, à l'époque du débat sur la charte proposée par le Parti québécois, que nous sommes déjà dans un État laïc. Il y avait déjà plusieurs raisons d'affirmer que le Canada n'est pas un État laïc. En voici une nouvelle : dans un État laïc, un parti politique qui propose un programme qui consiste à appliquer les prescriptions d'une religion ne pourrait pas exister. Il revient à chacun d'appliquer sa religion selon sa conscience ; aucune contrainte venant de l'État ne doit exister à cet égard. Et c'est exactement ce qui arriverait si le parti islamique devenait officiel et qu'il réussissait à exercer du pouvoir. Que cette éventualité paraisse aujourd'hui réaliste ou non ne devrait pas entrer en compte ici : par principe, on ne devrait pas accepter une telle tentative.


Au cas où on voudrait m'objecter : "Mais si les électeurs sont nombreux à voter pour ce parti, quel est le problème? C'est la démocratie." Le problème, c'est que notre démocratie ne repose pas seulement sur le scrutin, mais aussi sur des droits individuels. La liberté de religion est censée être un droit IN-DI-VI-DU-EL. À partir du moment où des croyances religieuses sont appliquées par des institutions de l'État, les gens se retrouvent contraints légalement de respecter des prescriptions religieuses, ce qui n'est pas la même chose que les respecter parce qu'on y croit et parce qu'on le veut.


C'est d'ailleurs le même problème avec l'idée de tribunaux basés sur la charia : même si ces tribunaux devaient ne s'occuper que des cas qui concernent des citoyens musulmans, cela enlèverait à nos concitoyens musulmans leur liberté de conscience. Si des musulmans souhaitent se conformer à des prescriptions de l'islam, ils peuvent demander conseil à des imams ou à je ne sais qui, et suivre volontairement les conseils qu'ils reçoivent. Si un tribunal impose quelque chose, alors ça a force de loi, et on ne parle plus de liberté individuelle de religion. 


On en revient ici à la thèse que défendent depuis toujours les partisans sérieux de la laïcité : il n'y a qu'une solution pour protéger la liberté de conscience des citoyens, et c'est la laïcité. La religion doit rester dans la vie privée et l'État doit s'en dissocier complètement. La même loi pour tout le monde, les mêmes institutions pour tout le monde, le tout soigneusement dissocié de toute croyance religieuse.



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