La laïcité : un prétexte pour camoufler le rejet des musulmans? (partie 2)

Par: Annie-Ève Collin

Dans la première partie de cette série de billets, je faisais valoir que ce n'est pas parce que le voile suscite davantage de discussions que les autres signes religieux que l'on peut en conclure que la laïcité est un prétexte pour faire passer une malsaine xénophobie anti-musulmans.

Depuis que le gouvernement caquiste a précisé les modalités de son projet, eut égard aux signes religieux chez les fonctionnaires, un autre argument se fait entendre : concrètement, la grande majorité des personnes touchées par la loi proposée par la CAQ seraient des enseignantes qui portent le voile islamique. Il y a assez peu de juges et de policiers de sexe masculin qui portent un turban ou une kippa, nous dit-on. Les enseignantes de sexe féminin qui portent le voile, au contraire, sont nombreuses. Serait-ce, comme certains le prétendent, la preuve que la défense de la laïcité n'est qu'une façon hypocrite de s'en prendre aux musulmans en particulier?

Il est incontestable que dans les faits, ce sont surtout des enseignantes qui portent le voile qui seraient touchées par la loi proposée par la CAQ, si celle-ci venait à être adoptée. Mais est-ce suffisant pour conclure que l'intention est de les viser en particulier ? Pratiquement n'importe quelle loi, n'importe quelle règle a davantage d'impact sur certaines personnes que sur d'autres. Le traitement qui est prévu est équitable à la base : quel que soit le signe religieux qu'on veut porter, si on veut occuper un poste de fonctionnaire en position d'autorité, on doit le retirer pendant qu'on travaille (et on est parfaitement libre de le porter en dehors du travail). 

Un code vestimentaire interdisant les minijupes a un impact sur les femmes qui aiment en porter et n'en a aucun sur les femmes qui n'en portent jamais de toute façon ; un tel règlement a un impact sur bien peu d'hommes, quoique sur quelques uns, oui, mais il a un impact sur bon nombre de femmes. C'est donc une règle qui a davantage d'impact sur certains groupes que sur d'autres. Est-ce pour autant un règlement fait pour viser les femmes, la preuve d'un sexisme éhonté qui se donne des airs de souci d'un certain décorum ?

La limite du taux d'alcoolémie permis quand on conduit un véhicule a davantage d'impact sur les gens qui boivent de l'alcool que sur les gens qui n'en boivent pas. L'interdiction de boire de l'alcool dans bon nombre de lieux publics a davantage d'impact sur les gens qui boivent que sur les gens qui ne boivent pas. Si des études en venaient à montrer qu'une plus grande proportion de chrétiens que de musulmans boivent de l'alcool, pourrait-on en conclure que ces lois visent les chrétiens et les discriminent par rapport aux musulmans ? Non, n'est-ce pas?

Pensez à tous les exemples de loi ou de règlement que vous voulez, il y aura toujours des gens pour qui c'est plus contraignant que pour d'autres. En conclure que toute loi et tout règlement est injustement discriminatoire serait absurde.

La laïcité présente le port de signes religieux comme un problème de la part d'un fonctionnaire en position d'autorité ; cela vaut pour tous les signes de toutes les religions. Que ceux qui portent un signe religieux soient plus nombreux dans certaines confessions que dans d'autres, ne suffit pas à conclure que la laïcité est établie dans le but sournois de s'en prendre aux adeptes d'une religion en particulier.



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