La laïcité : un prétexte pour camoufler le rejet des musulmans? (partie 1)

Par: Annie-Ève Collin

Il est assez fréquent d'entendre ou de lire que ceux qui défendent explicitement la laïcité, défendent en réalité une islamophobie plus ou moins bien camouflée. Dans cette série de billets, j'aimerais répondre à cette position.


Pour appuyer cette position, on fait notamment valoir que, dans les débats sur une éventuelle interdiction des signes religieux par les fonctionnaires (tous ou une partie d'entre eux), on parle principalement d'un signe religieux en particulier : le voile islamique. C'était aussi vrai à l'époque des débats sur le projet de charte du Parti québécois, qu'aujourd'hui, à l'ère du projet de laïcité de la Coalition avenir Québec.

Si on parle autant du voile islamique, ce n'est pas simplement parce que beaucoup de gens le trouvent particulièrement dérangeant par rapport à d'autres signes religieux (bien qu'on ne puisse pas nier cela, j'y reviendrai dans un prochain billet de la même série). C'est aussi - je soupçonne que c'est même surtout - parce que les opposants à la laïcité ne parlent que de ça ! Combien d'articles contre la laïcité avons-nous vus, illustrés par des photos de femmes voilées ? Aussi bien à l'époque où le PQ était au pouvoir qu'aujourd'hui, depuis que la CAQ a mis son projet sur la table, on nous bombarde de témoignages de femmes voilées qui disent qu'on veut les priver de leur rêve de travailler dans la fonction publique et on s'empresse de nous assurer que les musulmanes qui portent le voile le font par choix.

C'est étrange car, d'une part, personne ne semble juger opportun de nous assurer que les juifs qui portent la kippa, les sikhs qui portent le turban, ou encore les chrétiens qui portent une croix, portent leur accessoire par choix...nos défenseurs du voile douteraient-ils, au fond d'eux-mêmes, du caractère volontaire du port du voile ? Un tel doute pourrait leur faire soupçonner que les partisans de la laïcité ont le même doute, et peut-être cherchent-ils aussi bien à se convaincre eux-mêmes qu'à nous convaincre ? Ou peut-être jugent-ils importants de le dire parce qu'ils ont conscience que la femme qui le porte s'infériorise elle-même, ce qui n'est pas le cas des hommes qui portent un turban ou une kippa ? Peut-être souhaitent-ils minimiser l'importance de cette infériorisation en faisant valoir qu'elle est acceptée par la personne infériorisée ? Mais passons, je suis en train de m'égarer. Le point principal, c'est que si on parle autant du voile, c'est en bonne partie à cause de ceux qui sont contre la laïcité, certainement pas exclusivement à cause de ceux qui la défendent. Et si c'étaient les détracteurs de la laïcité qui avaient particulièrement à coeur de défendre l'islam et les musulman(e)s, plutôt que les partisans de la laïcité qui veulent viser les musulmans ?

D'autre part, ni le projet du PQ ni celui de la CAQ ne stipule qu'on interdirait, au nom de la laïcité, les signes que le porteur ne porte pas volontairement. Il est question d'interdire les signes RELIGIEUX. Qu'est-ce que ça vient faire, de savoir si les musulmanes voilées le portent par elles-mêmes ou suite à des pressions familiales, communautaires, ou même parce qu'elles sont sous la domination de leur père ou de leur mari ? Je ne dis pas que cette question est sans intérêt, bien au contraire, seulement qu'elle est sans grande pertinence par rapport à la laïcité. 

Bref, le voile islamique suscite clairement beaucoup de discussions et de débats. On en parle pour le critiquer, pour le conspuer, ou encore pour le défendre, mais somme toute, cela a assez peu à voir avec la laïcité, et ça ne permet surtout pas de tirer la conclusion que la laïcité est une manoeuvre sournoise pour s'en prendre aux musulmans. Le projet de la CAQ veut interdire le port de TOUS les signes religieux, liés à TOUTES les religions, aux fonctionnaires en position d'autorité. Que certains signes religieux éveillent davantage les sensibilités des citoyens que d'autres et suscitent davantage de discussions au sein de la société civile, aussi bien dans les médias que sur les réseaux sociaux, n'y change rien.



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