Ce fichu voile! partie 1

Par: Annie-Ève Collin

Dans cette série de billets, je me concentrerai sur les contradictions que l'on retrouve dans la défense du voile islamique. En effet, il n'y a pas moyen d'avoir de débat constructif à ce sujet, tant qu'on ne s'entend pas une fois pour toutes sur ce qu'est ce voile : un signe religieux? Un vêtement comme un autre? Un choix vestimentaire? Une obligation religieuse? Il ne peut pas être tout ça à la fois (une obligation n'est pas un choix, un vêtement qui est en même temps un signe montrant l'allégeance à un système de croyances n'est pas entièrement comparable à un t-shirt uni, ni même à une cravate, même si on peut attribuer certaines significations culturelles à cette dernière, etc.)


J'inclus, dans la catégorie des défenseurs du voile, ceux qui auraient envie de rétorquer : "Je ne défends pas le voile, je défends la liberté individuelle! Ce n'est pas le voile que je défends, mais la liberté de celles qui veulent le porter, je défends leur droit de le porter!" Ces gens peuvent bien prétendre faire cette distinction, mais ils tombent régulièrement dans des arguments qui servent à défendre le voile lui-même, en disant par exemple que c'est faux qu'il est en soi une pratique sexiste. Quand on dit ça, ce n'est pas la liberté de porter le voile qu'on défend, on essaie bel et bien de faire accepter (ce qui est plus que tolérer) le voile lui-même.

Commençons par ceci : "Les femmes ont le droit de s'habiller comme elles veulent. Elles peuvent choisir de porter des minijupes, des hauts qui montrent leur nombril, des décolletés, tout comme elles peuvent choisir de se couvrir. Personne ne peut leur dicter quoi porter."

"Le voile ne devrait pas vous déranger parce qu'il est un choix vestimentaire comme un autre."

Oui, les femmes ont beaucoup de latitude dans leurs choix vestimentaires dans nos sociétés industrialisées, dans lesquelles même avec un revenu plutôt faible, on a accès à une assez grande diversité de vêtements. Cependant, on nous dicte plus ou moins quoi porter à peu près partout, sauf chez soi, et encore, si on n'habite pas seul, on doit respecter des contraintes même chez soi - et cela est vrai pour les hommes comme pour les femmes.

Passons rapidement sur le fait que dans la majorité des endroits publics, tout le monde est obligé de porter un haut et une culotte ou une jupe. Tous les lecteurs de bonne foi se figurent également qu'il y a des codes vestimentaires plus ou moins stricts selon les contextes. 

Or, le travail est un contexte dans lequel les codes vestimentaires qui dépassent la simple loi qui demande de toujours avoir les fesses et le sexe couverts, et généralement aussi la poitrine, sont presque systématiques. Il y a des métiers dans lesquels le code vestimentaire est plus strict que dans d'autres, c'est un fait connu. Et quand il est question d'interdire le voile, c'est très généralement dans des milieux de travail ; bien peu de gens défendent l'interdiction du voile en tout lieu.

Ainsi, ceux qui présentent le voile comme un choix vestimentaire comme un autre devraient admettre ce qui suit : les femmes peuvent choisir de porter des vêtements très courts, échancrés, des vêtements qui révèlent leurs attributs féminins. Mais la majorité de celles qui occupent un emploi doivent respecter des contraintes au travail. Toutes les femmes peuvent porter une minijupe pour aller au cinéma, dans un bar, au restaurant, à l'épicerie. Voici cependant une liste loin d'être exhaustive de femmes qui ne peuvent pas porter de minijupe au travail : les policières, les infirmières, fort probablement les enseignantes et les éducatrices en garderie, les avocates, les douanières, et même les caissières chez Jean-Coutu, qui doivent porter un uniforme. Si le voile est un choix vestimentaire comparable à la minijupe, alors interdire le voile au travail n'est pas plus grave qu'interdire la minijupe au travail.

Ce sont souvent les mêmes personnes qui présentent le voile comme un choix vestimentaire comme un autre quand il est temps de blâmer ceux qui y réagissent, qui vont dire, face au raisonnement présenté au paragraphe précédent, que ce n'est pas pareil : une musulmane voilée ne peut pas retirer son voile temporairement avec la même facilité qu'une femme qui porte des minijupes peut porter temporairement un pantalon ou une jupe longue. Si le voile islamique ne peut pas être remplacé par une autre tenue pour respecter un uniforme, un code vestimentaire, un décorum ou encore pour des raisons de sécurité ou de confort, alors ce n'est PAS un choix vestimentaire comme un autre.

Et s'il fait réagir autant de gens, c'est précisément parce qu'il n'est pas perçu - avec raison en ce qui me concerne - comme un choix vestimentaire comme un autre.

Ainsi, branchez-vous : soit c'est un choix vestimentaire comme un autre, et alors l'interdire dans telles ou telles circonstances n'est pas un affront plus grave à la liberté individuelle que d'interdire les jeans, les espadrilles ou les bretelles spaghetti. Soit on s'entend que ce n'est PAS un choix vestimentaire comme un autre. Si on peut s'entendre là-dessus, on pourra poursuivre la discussion.



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