Les conditions que la CAQ veut imposer : vraiment nouvelles?

Par: Annie-Ève Collin

Sans surprise, le projet du nouveau gouvernement du Québec d'établir une loi sur la laïcité, qui impliquerait notamment que les fonctionnaires en position d'autorité ne peuvent pas porter de signes religieux alors qu'ils sont dans l'exercice de leurs fonction, fait couler beaucoup d'encre. J'aimerais répondre à un argument en particulier, souvent invoqué par des opposants à la laïcité : celui qui fait remarquer que nous avons accueilli des immigrants en leur faisant miroiter une société ouverte à la diversité ; qu'ils ont fait des plans selon un choix de carrière qui leur plaisait, dans des conditions qui leur permettaient de porter leurs signes religieux au travail. Et maintenant, on veut changer les règles du jeu. N'est-ce pas injuste envers eux ?


Un article du Soleil nous apprend aujourd'hui que la CAQ envisage d'appliquer la notion de droit acquis aux enseignants : ceux qui sont déjà en poste pourront continuer de travailler en portant leurs signes religieux, seuls les nouveaux enseignants devront se conformer à une éventuelle nouvelle loi sur la laïcité. Ça semble légitime : on ne peut pas nier que renoncer à l'emploi qu'on occupe depuis 5, 10, 20 ans, en raison d'un changement de conditions qui ne nous convient pas, c'est différent d'établir dès le départ un plan de carrière, en ayant conscience des implications des différents emplois disponibles, de sorte que l'on peut choisir en conséquence de ce qu'on est prêt à accepter comme conditions. 

Cependant, j'aimerais apporter un bémol, car les opposants à la laïcité suggèrent, par leurs discours, qu'imposer des contraintes en ce qui concerne l'affichage de ses croyances religieuses est une idée complètement nouvelle, qu'on lance tout à coup au visage des immigrants et des minorités religieuses, comme une mauvaise farce. Ils suggèrent qu'on leur a toujours fait miroiter une société ouverte à la diversité, dans laquelle leurs croyances et pratiques religieuses ne dérangent personne et sont même accueillies à bras ouverts. 

Or cela fait des décennies que quiconque est un peu attentif aux débats publics et de bonne foi, ne peut pas ignorer que beaucoup de gens trouvent les signes religieux dérangeants et/ou inappropriés dans certains contextes. Plus encore, ça fait longtemps qu'on sait que de nombreux Québécois souhaitent une laïcité clairement affirmée ; le projet de charte du Parti québécois en 2013 aura achevé de faire connaître à tous ce souhait partagé par de nombreux Québécois, qui implique notamment que les signes religieux soient interdits aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions.  Ce souhait, contrairement à ce que prétendent les Dalila Awada de ce monde, n'est pas apparu avec le projet de charte du Parti québécois. C'est au contraire le projet de charte qui servait à répondre à un souhait largement partagé qui le précédait.

Ainsi, personne ne peut prétendre que les immigrants et les personnes qui portent des signes religieux n'ont jamais eu le moindre indice que certaines manifestations religieuses peuvent déranger, et même être interdites dans des contextes précis. Maintenant, si on n'informe pas correctement les immigrants du rapport qu'entretient le peuple québécois avec la religion depuis la révolution tranquille, le problème n'est pas que les Québécois persistent à demander des balises pour favoriser un bon vivre-ensemble à leur façon, mais bien qu'on n'ait pas correctement informé les immigrants sur leur éventuelle société d'accueil. 



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