J'apprends par le Huffington Post que Jérôme Blanchet-Gravel a pris la décision de porter plainte à la Commission des droits de la personne pour le traitement qui lui a été réservé à l'Amère à boire. Monsieur Blanchet-Gravel a été cavalièrement sommé de quitter le bar et de ne plus y revenir, en raison de ses opinions politiques.
Le HP rapporte les propos suivants : "«C'est vraiment une cause politique pour la liberté d'expression», assure Jérôme Blanchet-Gravel, en précisant qu'il le fait «pour la cause» et non pas pour une éventuelle compensation financière accordée par la Commission. La démarche de Monsieur Blanchet-Gravel est parfaitement juste : en effet, la liberté de conscience et d'expression doivent être protégées, et les individus bafoués dans leurs droits, lorsqu'ils réagissent, protègent ces droits non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres.
Un bon nombre d'internautes ont pourtant appuyé la façon d'agir des employés concernés de l'Amère à boire et sont allés jusqu'à blâmer les patrons de ne pas les avoir soutenus. Des commentaires peuvent être lus aussi bien sur la page Facebook de l'Amère à boire que sous les articles en ligne sur le sujet, dans lesquels on retrouve des enflures verbales assez remarquables. Certain(e)s prétendent par exemple que d'expulser ce client était nécessaire pour assurer la sécurité des clients, alors qu'on n'a aucune preuve qu'il ait fait autre chose que consommer tranquillement, assis, en parlant avec ceux qui l'accompagnaient. Quelle menace peut-on représenter pour la sécurité des autres en agissant de cette façon-là?
Un texte publié sur le site Ton petit look a retenu mon attention. Si je me fie aux auteures qui ont contribué ou contribuent à ce blogue que j'ai eu l'occasion de lire, c'est-à-dire Thérère Kaligirwa Namahoro et Jessica Paquin, qui ne semblent plus y contribuer mais qui y ont contribué par le passé, ainsi que Roxanne Noël-Duschesne, Elisabeth Dubois, et désormais, une qui se fait appeler Annie Nonyme, il s'agit essentiellement d'un blogue de péronnelles qui se croient politisées alors qu'elles n'ont pas dépassé le stade de la révolte typique de l'adolescence. Si d'autres auteures contribuant à ce blogue viennent à me lire, sachez que je ne base mon impression que sur celles de vos collègues que je viens de nommer, et qu'elles ne m'incitent guère à chercher à découvrir les autres. Quoi qu'il en soit, le texte d'Annie Nonyme est désespérant à lire.
Après avoir prétendu que "ce n’était pas vraiment lié à des idées politiques" (elle est vraiment sérieuse?) et avoir "détrompé" Richard Martineau, qui parlait de "gauche du Plateau" alors que le bar se situe dans le Quartier Latin (je doute que Martineau l'ignore, mais il sait sans doute aussi que les gauchistes du Plateau sont capables de se déplacer jusqu'aux bars du Quartier Latin ; c'est d'ailleurs un autre des commentaires qui sont beaucoup revenus de la part des soi-disant gauchistes, qui montre encore une fois combien ils excellent pour détourner l'attention du principal, sans doute parce que s'ils devaient débattre sur le fond des choses, ils seraient pris au dépourvu), bref après cette introduction qui confirme mon impression sur le blogue Ton petit look, Annie Nonyme affirme que ce sont les propos de Jérôme Blanchet-Gravel sur les femmes qui lui ont valu cette tentative d'exclusion de l'établissement. On ignore sur quoi elle se base pour affirmer cela.
On ignore aussi sur quoi elle se base pour insinuer que Jérôme Blanchet-Gravel est un "client qui se croit tout permis", qui du coup menace la sécurité des serveuses et des clientes. Dans le texte de Monsieur Blanchet-Gravel sur lequel elle base son jugement, celui-ci affirme pourtant bel et bien que l'objectif de prévenir le viol est louable. Personne n'a fourni la moindre preuve non plus qu'il ait eu un comportement déplacé avec les femmes présentes dans le bar ; il affirme n'avoir rien fait d'autre que consommer et parler à ses amis, et personne ne semble contester sa version des faits, encore moins avoir des preuves qu'il en ait été autrement. La présomption d'innocence, ça vous dit quelque chose ?
Annie Nonyme vient même donner raison à Monsieur Blanchet-Gravel dans sa dénonciation des excès du féminisme, en l'enjoignant - à deux reprises dans le texte - de rester chez lui pour que les femmes se sentent en sécurité. Un homme qui, pour autant qu'on sache, n'a jamais été coupable d'agression sexuelle ni de harcèlement, et qui affirme dans un texte que la prévention du viol est un objectif louable, devrait rester chez lui pour que les femmes se sentent en sécurité...et face à ça, la blogueuse anonyme s'étonne que l'on déplore les excès du féminisme d'aujourd'hui !
Elle invoque son expérience comme gérante d'un bar pour affirmer que si la sécurité des clients ou des employés semble menacée dans ce genre d'établissement, il est commun de demander à l'individu qui paraît menaçant de quitter les lieux. Faut-il attendre qu'un geste concret soit posé pour intervenir ? demande-t-elle. Eh bien oui : il faut que des paroles ou des gestes déplacés aient eu lieu pour justifier d'exclure un client. Les interprétations tordues que fait Annie Nonyme du texte de Jérôme Blanchet-Gravel ne sont pas une raison suffisante.
Inutile de commenter l'histoire à l'Université d'Ottawa, sur laquelle le texte ne donne vraiment pas assez d'information pour que l'on puisse se prononcer. Je dirai simplement que tous ceux qui savent aussi bien que moi qu'il existe, de nos jours, des militants et militantes, se réclamant notamment du féminisme, qui se permettent de chercher à exclure des personnes pour des propos parfaitement légitimes, ont toutes les raisons de se méfier de cette histoire (je le sais parce que ça m'est arrivé personnellement, c'est aussi arrivé à Rhéa Jean, et il y a d'autres exemples). Il est tout à fait possible (probable?) que Monsieur Blanchet-Gravel ait été injustement exclu.
Après avoir vu l'interprétation tordue que fait Annie Nonyme du texte de Monsieur Blanchet-Gravel, ainsi que ses affirmations non justifiées sur le comportement potentiel de Monsieur Blanchet-Gravel et sur les raisons de son exclusion, on hésite entre rire et pleurer en la voyant conclure en invitant "Martineau à faire ses recherches avant de prêter des intentions à autrui".
Voici par ailleurs un autre commentaire que j'ai vu à plusieurs reprises, de la part de plusieurs internautes : à ce qu'il paraît, il y a des bars de Québec où les gens de gauche (qui s'autoproclament de gauche, à tout le moins) se font expulser, et même menacer, parce que ces établissements sont contrôlés par les gens de droite. J'ignore si cette information est vraie. Admettons qu'elle le soit, c'est certainement inacceptable.
Cependant, les internautes qui l'invoquent semblent vouloir faire admettre comme conclusion que cela justifie la façon dont Monsieur Blanchet-Gravel s'est fait traiter à l'Amère à boire. Comme disent les Anglais : two wrongs don't make a right ! Si des gens de gauche se font exclure d'établissements de Québec en raison de leurs opinions politiques, la solution n'est pas de faire pareil avec les gens de droite dans les établissements de Montréal, mais de s'arranger pour que ce genre d'exclusion arrête de se faire dans les établissements de Québec.
Même si je suis farouchement opposée à cette frange de gauche que d'aucuns qualifient de régressive (et je m'inclus là-dedans), la liberté d'expression est non négociable : si des individus sortent dans des bars et n'ont aucun comportement inapproprié, et s'en font exclure simplement parce qu'ils ont exprimé des idées typiques de la gauche régressive, alors ils ne devraient pas laisser passer cela. Ils devraient faire comme Monsieur Blanchet-Gravel : dénoncer dans les médias et porter plainte aux institutions concernées.