Lettre ouverte à Dalila Awada

Par: Annie-Ève Collin

Chère Dalila Awada,


On dirait bien que votre pleurnichage se fait un peu plus discret avec les années. Par contre, pour ce qui est de tout ramener à vous-même, vous êtes toujours au même niveau. Dans un article publié sur votre page Facebook, vous répliquez au chroniqueur Richard Martineau.

 

Pourquoi, demandez-vous, Martineau signale-t-il que vous ne représentez pas la communauté musulmane ? Probablement parce que, peu importe que vous en ayez vous-même la prétention ou non, vous êtes continuellement ramenée à l’avant-scène en tant que musulmane voilée, souvent dans le but de démontrer aux petits « ignares islamophobes » comme Richard Martineau, Nadia El-Mabrouk, moi-même et bien d’autres que le voile n’est pas un signe sexiste ni une pratique sexiste. Mais non voyons, nous dit-on, la preuve regardez Dalila Awada, cette si jolie jeune femme émancipée et éloquente qui porte le voile !


Devant cette façon de vous présenter comme un contre-argument au fait amplement prouvé que le voile est une pratique sexiste et l'islam, une religion sexiste, avoir pour réaction de rappeler que vous ne représentez rien d’autre que vous-même est une réaction légitime. 

 

Passons sur le point que l’éloquence dans le discours peut facilement servir à détourner l’attention de la pauvreté du contenu, ou de son manque d’honnêteté, et que dans votre cas, elle fait plus qu’en avoir le potentiel. 


Votre existence n’efface pas les versets sexistes du coran. Elle n'efface pas celle des fillettes que l’on soumet à la cérémonie de voilement, ni celle des jeunes filles qui sont surveillées par leur père, leurs frères, par d’autres femmes musulmanes qui s’assurent qu’elles n’enlèvent pas leur voile après être sorties de la maison. Elle n’efface pas la réalité des Saoudiennes, des Iraniennes, des femmes qui vivent dans des régions où, sans que la loi exige le port du voile, la pression sociale s’en charge (on nous apprend que ce genre de pression existe désormais dans certains quartiers de pays d’Europe). 


Vous avez beau dire que vous n’avez pas à porter le poids de ce qui se passe ailleurs, un signe ne peut pas être détaché de son histoire et de l’usage qui en est fait. J’aimerais citer ce que ma consoeur Djemila Benhabib vous a dit avec raison lorsque vous avez débattu avec elle à l’émission Tout le monde en parle : sortez un peu de votre « je », de votre « moi »!

 

Égo et projection


Vous vous accordez beaucoup d’importance en vous imaginant que votre présence dans l’espace public déstabilise Richard Martineau. Martineau est capable de prendre les conséquences qui viennent avec le choix d'être une personnalité publique, il l'a amplement montré. Pensez-vous vraiment que la délicate petite fleur que vous êtes a le pouvoir de le déstabiliser ?

 

Peut-être faites-vous un peu de projection, parce que j’ai eu l’occasion de remarquer que vous, par contre, avez du mal à accepter les conséquences qui viennent avec le choix d’être une personnalité publique. Ça semble d'ailleurs vous caractériser, de ne pas encaisser les conséquences de vos choix, parce que c’est la même chose pour votre choix de porter le voile. 


D’ailleurs on le voit tout autant avec ce qui suit votre hypothèse que votre présence dans l’espace médiatique déstabilise notre ami Richard : « Sinon comment expliquer qu’un des chroniqueurs ayant le plus de tribunes et de visibilité au Québec soit à ce point outré par mes participations occasionnelles? » Parce que vos discours sont outrageants de malhonnêteté, Madame Awada. Parce que votre victimisation constante et vos sophismes crasses sont une forme de manipulation qui amène de nombreuses personnes à réagir, et apparemment ça inclut Richard Martineau. 


Dès que quelqu'un vous critique, vous cherchez des explications tordues qui vous permettent, soit de vous poser en victime, soit de vous accorder une importance démesurée, alors que c'est simplement ce qui arrive quand on s'exprime en public. Assumez ce que vous faites.


Il ne s'agit pas de votre apparence


Tiens, votre article sur Facebook comprend justement un de vos sophismes préférés, un homme de paille que vous sortez sans arrêt, chaque fois que quelqu’un fait remarquer l’une de vos incohérences les plus flagrantes (non pas parce que c’est la plus importante, mais parce qu’il suffit de vous voir pour la remarquer) : « Déjà en 2013, il partageait une photo de moi pour commenter mon apparence. Il s’étonnait de mon soi-disant « manque de pudeur ». » 


Je crois deviner que vous parlez de la photo de vous avec des oreilles de Mini-Mouse, en leggings, avec une pose aguichante...Madame Awada, ce n’est pas votre apparence que Martineau commentait, mais votre incohérence. D'ailleurs, il n'a pas parlé de "manque de pudeur", il a plutôt dit qu'il pensait que le voile était censé être porté par pudeur. Ce n'est donc pas un manque de pudeur qu'il remarquait, mais une affirmation de pudeur accompagnée d'un habillement qui prouve qu'on n'en a pas tant que ça. 


C'est comme si quelqu'un disait qu'il ne mange jamais de dessert alors qu'il est en train de s'empiffrer de crème glacée. On serait porté à lui dire "Mais ce que tu manges en ce moment, c'est un dessert.", et ça ne voudrait absolument pas dire que l'on considère déplorable en soi de manger du dessert. 


Que ça vous plaise ou non, sur cette photo, vous évoquiez l’image des bunnies de Playboy. Non seulement nous savons tous que le voile islamique est censé être porté par pudeur (et non simplement pour dire qu’on a un tissu sur la tête), mais de plus, c’est vous-même qui avez déclaré explicitement, à plusieurs reprises et en public, que ce voile est la façon dont vous vivez « votre rapport à votre corps, à votre pudeur ». Martineau n’est pas seul à relever la contradiction entre votre voile et la raison que vous évoquez vous-même de le porter, et le reste de votre habillement. 


Sans compter les poses aguicheuses et des regards langoureux qu’on vous voit souvent prendre au moment d’être photographiée (comme la photo ci-dessous l'exemplifie, et il suffit de taper votre nom dans Google images ou de visiter votre page Facebook pour voir plusieurs autres exemples). Ce n’est pas votre apparence que nous vous reprochons, mais la contradiction flagrante.



 

Le jour où quelqu’un remettrait en question votre DROIT de porter un voile tout en portant des vêtements sexy par ailleurs, je serais de votre côté (mais je n’ai encore jamais entendu quiconque dire que vous n’en aviez pas le droit). Vous avez le DROIT de porter un voile avec un bikini si vous voulez. Parce qu’en effet, non seulement on a le droit de s’habiller comme on veut (dans sa vie privée, cela s’entend, des codes vestimentaires peuvent s’imposer dans certaines circonstances), mais on a aussi le droit d’être incohérent. Par contre, ce droit d’être incohérent ne va pas jusqu’à la possibilité d’empêcher les autres de remarquer qu’on l’est.

 

"Vous savez, Madame Awada, recevoir la même remarque de personnes aux orientations idéologiques non seulement différentes, mais même opposées, n’est pas forcément un signe qu’on a un discours nuancé. Ça peut aussi être le signe qu’on dit et écrit des inepties que tout le monde est capable de voir, sauf le groupe d’idéologues qui nous mange dans la main."


Vous poursuivez votre article comme suit : « Visiblement, je bouleverse l’image simpliste qu’il se fait des femmes musulmanes. » Spéculer sur les raisons qui poussent quelqu'un à vous critiquer, tout en vous assurant d'y donner une interprétation flatteuse pour vous, voilà un autre de vos sophismes favoris, qui est d’ailleurs aussi très prisé par vos disciples. Ces derniers sont vraiment casse-pieds avec le raisonnement à deux balles qui suit : « La preuve que Dalila Awada a des positions nuancées, c’est qu’elle dérange autant les musulmans radicaux que les laïcards et les islamophobes ! » Il est à noter ici que ceux qui sont désignés par vos disciples comme des islamophobes sont généralement plutôt des anti-théistes, et/ou des pro-laïcité, et/ou des féministes universalistes, et que laïcards est une appellation péjorative pour les pro-laïcité. 


Vous savez, Madame Awada, recevoir la même remarque - en l’occurrence, celle que vos discours sont incohérents, et cela dépasse votre simple habillement, les contradictions se retrouvent dans vos discours oraux et écrits aussi - bref, recevoir la même remarque de personnes aux orientations idéologiques non seulement différentes, mais même opposées, n’est pas forcément un signe qu’on a un discours nuancé. Ça peut aussi être le signe qu’on dit et écrit des inepties que tout le monde est capable de voir, sauf le groupe d’idéologues qui nous mange dans la main. Je vous laisse réfléchir à cela.

 

Le nombre de demandes d'accommodements venant de musulmans n'est pas ce qui est relevé


Et si on citait maintenant notre ami Richard? « J’ai répliqué que malheureusement, plusieurs employeurs hésitent à embaucher ces immigrants [les immigrants maghrébins] parce qu’ils ont peur de se retrouver avec des demandes d’accommodements... Ces immigrants sont victimes du zèle de certains membres de leur communauté, et c’est malheureux... » écrit-il dans une des ses chroniques. Comme islamophobe qui met tous les musulmans dans le même panier, on a vu mieux...C’est ça, votre bonhomme qui a une image simpliste des musulmanes, que votre petite personne bouleverserait ? Comme bien souvent quand je vous lis, j’hésite entre rire de votre manque d’honnêteté et de la largeur de votre égo, ou en pleurer.

 

Il importe d’ailleurs d’insister sur cet élément que, soit vous n’avez pas compris, soit vous ignorez volontairement (depuis que j’ai connaissance de votre existence, je me suis toujours demandé si vous étiez bête ou malhonnête...comme le laisse entendre le reste de mon billet, je penche plutôt pour malhonnête, parce que votre bêtise me paraît trop travaillée pour être authentique). Ni Martineau, ni Nadia El-Mabrouk ne prétend que la plupart des demandes d’accommodement, ni même une grande proportion d’entre elles, sont faites au nom de l’islam.

 

Le problème qu’ils soulèvent est plutôt le suivant : parmi les Maghrébins, les employeurs n’ont aucun moyen de savoir qui fait partie du petit groupe de zélés qui demandent des accommodements. Aussi, et c’est déplorable, cela cause des difficultés aux personnes qui portent un nom arabe pour trouver un emploi, car certains vont tout simplement laisser le CV de côté, au cas où ils auraient affaire à l’un de ces zélés. Les premiers à être perdants sont les Québécois qui portent un nom arabe. Ils sont perdants à cause de la simple possibilité d’accommodements religieux, pour laquelle on n’a toujours pas de balises satisfaisantes. Sachant qu’on continue à traiter les demandes au cas par cas, certains employeurs préfèrent ne pas prendre de chance.

 

Bref, essayez de comprendre ceci (ou cessez de faire semblant de ne pas le comprendre) : le problème n’est pas le nombre de musulmans qui demandent et obtiennent des accommodements, mais la possibilité laissée à certains musulmans zélés d’en obtenir, étant donné l’absence de balises satisfaisantes.


Comme vous dites, l’accommodement a des limites cadrées par le droit ; ces limites paraissent insuffisantes à beaucoup de gens, y compris des employeurs. Le fait est que les membres de certaines minorités en pâtissent.

 

Vous écrivez également : « En gros, Richard Martineau perd de vue le portrait d’ensemble, trébuche sur les virgules et tord le cou de la réalité. » Je vous renvoie votre propre compliment, Madame Awada.

 

Vous dites que sa façon de se cacher derrière la soi-disant critique de l’islamisme ne convainc plus ? Elle convainc encore beaucoup de gens. Qu’elle ne convainque pas quelqu’un comme vous, qui s’imagine que l’opposition au voile relève forcément du racisme, est assez peu pertinent. Vous voilà à invoquer le nombre de textes de Martineau ayant pour sujet l’islam ou les musulmans qu’une étudiante en sciences sociales a répertoriés...il pourrait bien y en avoir plus de 500, plus de 5 000 même, qui traitent de l’islam sans que cela constitue la preuve que Martineau n’est pas honnête lorsqu’il soutient qu’il critique l’islamisme et non l’ensemble des musulmans.

 

Qui sait donner sait recevoir


Pour conclure. je sais que vos sbires vont me reprocher que mon texte comprend des attaques à votre endroit, qu’il comprend des mots tels que bêtise, ineptie, malhonnête. J’aimerais prévoir le coup et leur faire remarquer qu’ils vont être obligés de vous adresser le même reproche, sous peine de montrer à nouveau combien ils sont inconséquents. En effet, vous avez conclu comme suit : « Il y aurait encore beaucoup à dire sur ses autres raccourcis et ses attaques à mon endroit. Mais je crains d’y avoir déjà consacré trop de temps. Puisqu’à l’instar de Castoriadis, je me dis qu’on ne peut pas vider par la cuillère de la critique un tel océan de bêtises. »

 

 

 

 

 

 



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