Dans
une certaine vague d’antiracisme (du moins c’est la prétention de ceux qui
suivent cette vague), on veut absolument que les Occidentaux blancs soient
racistes par essence. On dirait une sorte de nouvelle version du péché originel :
né blanc, né avec une tache, et on ne peut se racheter qu’en s’en voulant d’être
blanc et en s’abstenant de la moindre critique sur des religions autres que le
christianisme, sur des pratiques issues de cultures non occidentales.
Il
nous est d’ailleurs interdit de considérer que chez les minorités issues de l’immigration,
ou encore chez les minorités religieuses, il y a des personnes qui s’intègrent
bien à la société alors que d’autres ne s’intègrent pas. Il nous est également
interdit d’apprécier certaines personnes issues de ces minorités et de moins en
apprécier d’autres. On nous accuse alors de se permettre de distinguer, du haut
de notre fantasme de supériorité de Blancs, les bons « racisés » des
mauvais « racisés », les bons étant bien sûr ceux qui se soumettent à
nos critères de Blancs.
On
en retrouve un exemple flagrant avec la «théorie» du sociologue Paul Eid sur l’islamophobie :
le fait que certaines personnalités publiques musulmanes soient largement
appréciées participe selon Eid de l’islamophobie. « L’islamophobie, en Occident,
tend à déboucher sur une dichotomie rigide entre les musulmans sécularisés (les
irréprochables) et les musulmans pratiquants (les suspects). » écrivait-il dans le Devoir
du 5 novembre 2016.
Ceux que Eid appelle «les
irréprochables», d’autres, moins polis, les appellent des Arabes/musulmans de
service ou encore des pions de l’Occident. On y retrouve notamment les
musulmans (de culture ou de foi) qui encouragent leurs coreligionnaires à s’intégrer
à la culture occidentale, en gardant leur religion dans la sphère privée, en
évitant d’afficher l’islam politique notamment par le voile.
Et oui, j’affirme que porter le
voile est en soi un défaut d’intégration à des cultures où l’émancipation des
femmes a été gagnée de hautes luttes, y compris leur émancipation de normes de
pudeur qui ne s’appliquent pas aux hommes, qui leur ont par le passé été
imposées, notamment à travers la religion. Cela ne veut pas dire que les femmes
qui portent le voile le font toutes dans l’objectif de montrer qu’elles
refusent de s’intégrer, mais quelles que soient leurs intentions, cela révèle
un défaut d’intégration. Que cela plaise ou non aux partisans du concept d’islamophobie,
les réactions largement répandues face au voile islamiste révèlent fort bien
combien celui-ci détone avec nos valeurs fondamentales. Ils ont beau marteler
que cela ne vient que de l’ignorance de ce que signifie le voile pour celles
qui le portent, il serait temps qu’ils se rendent compte que l’on pourrait difficilement
l’ignorer, avec toute l’information qui circule à ce sujet, y compris par des
musulmanes voilées qui en parlent publiquement. Leur prétention que ce n’est qu’une
réaction de rejet devant ce qui vient des immigrants, des minorités ou des
étrangers ne tient pas non plus la route, compte tenu que bien d’autres
habillements et pratiques typiques d’autres cultures ne suscitent pas les mêmes
réactions.
On retrouve également, chez ceux qui
sont désignés comme «Arabes de service», ceux qui invitent à tolérer les
critiques de l’islam, invoquant que la liberté de conscience et d’expression
est protégée et autorise à critiquer toutes les idées, tous les systèmes de
croyances. Si ces gens sont autant appréciés par de nombreux Blancs, c’est bien
parce qu’ils les confortent dans leur mentalité suprématiste et leur donnent le
OK pour garder leurs préjugés.
Et si on pouvait voir ça autrement ?
Ces mêmes autoproclamés antiracistes aiment beaucoup invoquer le fameux « vivre-ensemble ».
Favoriser le vivre-ensemble relèverait-il uniquement de la responsabilité des
Blancs ? Ce serait à eux seuls de piler sur leurs valeurs, au point de ne même
pas pouvoir exprimer leur opposition aux croyances et aux façons d’agir de
certaines personnes dites racisées ? Ne peut-on envisager que certains
musulmans agissent d’une manière favorable au vivre-ensemble alors que d’autres
pas ? D’ailleurs, parmi ces derniers, on ne retrouve pas simplement ceux qui
prennent la parole publiquement pour inviter leurs coreligionnaires à garder
leur foi privée et à tolérer la critique, à s’adapter à une culture où la
liberté d’expression est sacrée, mais aussi ceux qui mènent simplement leur vie
sans étaler constamment leur foi et sans revendiquer de traitement spécial.
Pour conclure, il est ironique de
constater que nos autoproclamés antiracistes s’adonnent joyeusement à la
distinction entre les « bons racisés » et les « mauvais racisés »,
y compris chez les musulmans. Ici au Québec, ils ne se gênent pas pour mettre
les Dalila Awada, Haroun Bouazi et Eve Torres sur un piédestal tout en
conspuant les Djemila Benhabib, Nadia El-Mabrouk et Fatima Houda-Pepin (c’est
eux-mêmes qui sont susceptibles de traiter ces dernières d’Arabes de service ou
de pions à la solde de l’Occident, et ce, même s’ils sont blancs).