Monsieur Camus,
Comme vous le savez certainement aussi bien que moi, la remise en question est essentielle en philosophie. Refuser la remise en question et se fier sur l’approbation d’une foule, à plus forte raison une foule que l’on sait vendue d’avance à ses positions, n’est pas très conforme à l’attitude philosophique. C’est une attitude indigne de la part de quelqu’un qui a une formation en philosophie et qui compte l’enseigner. Récemment, mon confrère François Doyon a fait parvenir une plainte à l’ombudsman de Radio-Canada parce qu’on avait fait appel à vous pour un reportage sur un groupe d’extrême-droite, une plainte que notre confrère Marco Leclerc et moi-même avions contribué à rédiger et que nous avions publiée sur notre webzine Discernement. Juste avec vos réactions récentes à cette plainte, on peut montrer (à nouveau) votre façon de tordre la réalité, de tordre les propos des autres et de vous poser constamment en victime, en passant bien sûr sous silence tout ce que vous avez pu faire pour vous attirer des inimitiés. (Il est à noter que je ne cautionne absolument pas les actes de vandalisme qui vous ont visé, ni d’ailleurs aucun acte de vandalisme. Par contre, que les gens réagissent à vos billets par des commentaires, même irrévérencieux, par des moqueries et par des caricatures, vous devriez vous y attendre et les gens qui font cela sont dans leur droit.)
Selon un statut paru aussi bien sur votre page Facebook personnelle que sur votre page publique, que l’on peut voir ici comme photo principale, vous interprétez que la plainte de Monsieur Doyon avait pour objectif de vous empêcher de vous exprimer sur la place publique. Ce seul extrait révèle à la fois votre tendance à tordre les propos des gens et votre tendance à vous poser en victime. En effet, il ne s’agissait pas de vous empêcher de vous exprimer, mais de ne pas vous prendre pour ce que vous n’êtes pas : un spécialiste de l’extrême-droite. Si vous aviez été invité à vous exprimer à une émission de variété, comme Tout le monde en parle, Denis Lévesque, Sophie sans compromis, etc., ça n’aurait pas dérangé Monsieur Doyon, ça ne m’aurait pas dérangée non plus (nous aurions peut-être réagi au contenu de vos propos si nous avions été en position de savoir que vous disiez des faussetés, mais nous ne nous serions pas insurgés que vous soyiez invité à vous prononcer).
Le problème avec le reportage de Claude Brunet, c’est qu’il s’agissait, justement, d’un reportage. Dans un reportage, on est censé donner des informations dont on a vérifié l’exactitude et l’objectivité. Dans la réponse qui a été donnée par l’ombudsman, celui-ci souligne que nous n’avons rien contesté quant à vos propos inclus dans le reportage ; non, en effet, puisque nous non plus, nous ne sommes pas des spécialistes de l’extrême-droite. Le problème que nous soulevions est ailleurs : sachant que vous avez prouvé par le passé que vous ne vous gênez pas pour écrire des « comptes rendus » en vous basant sur du ouï-dire qui vous vient de deux ou trois personnes – proches de vous en plus – que vous ne vous rétractez même pas après que plusieurs personnes aient démenti ce ouï-dire, que vous avez l’habitude de tirer des conclusions à partir de quelques photos ou de quelques captures d’écran glanées ici et là, que vous critiquez des livres sans les avoir lus (vous l’avez fait pour le collectif L’islamophobie paru en 2016), bref, sachant que vous utilisez des procédés qui n’ont rien de fiable, et que cela peut facilement vous mener à diffuser des faussetés, nous avons des bonnes raisons de nous méfier de votre parole sur n’importe quel sujet. Bref, Monsieur Camus, dire que vous n’êtes pas qualifié pour apporter des informations dans le cadre d’un reportage, n’est pas du tout la même chose que s’opposer à votre liberté d’expression.
Cela est d’autant plus vrai que vous prétendez régulièrement vous en tenir toujours aux faits alors qu’il est très facile de voir que vous tordez régulièrement ceux-ci, vous allez jusqu’à tordre les propos des gens. Prenez ce passage de votre statut : « [L’ombudsman] a souligné que les personnes derrière la plainte faisaient une fixation sur l’islam. » Voici les propos réels de l’ombudsman : « Il est utile de mentionner que la page Facebook en question présente surtout des textes pourfendeurs de la « gauche », du « multiculturalisme » et du « fanatisme religieux », particulièrement « musulman », et de ceux qui dénoncent « l’islamophobie ». Ce n’est pas exactement la même chose, n’est-ce pas Monsieur Camus ? Il est à noter que la description de l’ombudsman n’est pas conforme à la réalité non plus. D’abord, Discernement est au départ un webzine et non une page Facebook, même s’il existe une page Facebook qui est consacrée à ce webzine. Ensuite, nous ne nous opposons pas à LA gauche, surtout que plusieurs des auteurs qui écrivent pour ce webzine, y compris François Doyon et moi-même, sommes de gauche. Nous critiquons une frange de la gauche et non toute la gauche (et cela est tout aussi vrai pour les auteurs qui écrivent pour le webzine qui s’identifient comme de droite). L’ombudsman ne nomme que trois auteurs alors que neuf auteurs participent à Discernement. Finalement, l’ombudsman passe sous silence que notre webzine présente des billets féministes, des billets sur la liberté d’expression, des billets sur des personnages importants du christianisme, etc. La gauche, le multiculturalisme, le fanatisme religieux et les prétentions qu’il y a de l’islamophobie alors qu’il n’y en a pas ne sont pas nos seuls sujets. Bref, vos propos cités ici sont une reprise déformée de propos déjà erronés. Le jeu du téléphone…
Vous ne décrochez pas d’un commentaire écrit par Monsieur Doyon il y a des mois, que vous interprétez comme une menace de vous faire perdre des opportunités d’emploi. Ne vous déplaise, Monsieur Camus, je connais Monsieur Doyon mieux que vous, et son commentaire n’avait rien d’une menace. Monsieur Doyon énonçait une réalité : quand on commence une carrière, il est important d’éviter de froisser des gens qui pourraient se trouver sur les comités de sélection à qui on risque d’avoir affaire, à la direction des entreprises pour lesquelles on souhaite travailler ou dans les départements dont on souhaite faire partie.
Vous avez diffamé Djemila Benhabib à plusieurs reprises. Celle-ci est certes controversée, mais elle est aussi appréciée par beaucoup de gens, incluant possiblement des personnes qui pourraient être en position de vous sélectionner ou pas pour un poste. Indépendamment de Madame Benhabib, vous tenez publiquement des propos susceptibles de déplaire à beaucoup de gens, et même des propos qui visent directement des gens. En l’occurrence, vous aviez écrit publiquement du mal de Monsieur Doyon, et ce dernier pointait ce fait comme exemple pour illustrer son propos : pourquoi voudrait-il travailler avec quelqu’un qui le diffame publiquement ? D’autres que Monsieur Doyon pourraient être ciblés par vous, ou avoir des proches qui le sont, ou être choqués par vos façons de faire, et avoir exactement la même réaction. Ainsi, Monsieur Doyon ne faisait que souligner que vous risquez de vous nuire à vous-même.
Monsieur Camus, sachez que ceux qui travaillent dans les cégeps ne partagent pas tous votre orientation idéologique. Il serait prudent de votre part, non pas de cesser de défendre vos positions, mais de montrer moins de certitude arrogante, comme si vous aviez la Vérité, et de montrer davantage de respect pour ceux qui ont des positions différentes des vôtres. D’ailleurs, vous vous vantez souvent d’être ouvert au dialogue, alors qu’il est de notoriété que vous bloquez à peu près systématiquement quiconque vous contredit, même quand c’est fait poliment et avec des arguments. Alors au lieu de tordre les propos de Monsieur Doyon et de tenir pour acquis que ce n’est jamais vous qui avez tort, essayez donc de vous remettre un peu en question.
Que dire de cet autre extrait de votre statut récent : « Tout ça pourquoi? Parce que j’ai déjà critiqué Djemila Benhabib par le passé. Big deal…Comme le rappelle l’ombudsman de Radio-Canada dans le rejet de sa plainte, Mme Benhabib est une « polémiste ». Je suis tout à fait en droit de critiquer ses idées si ça me chante. Vous croyez en la liberté d’expression ou pas, M. Doyon? » Monsieur Camus, il serait grand temps, en tant que blogueur mais SURTOUT en tant que personne ayant une formation en philosophie et ayant l’intention de l’enseigner, que vous fassiez la différence entre les critiques et les mensonges. Vous avez menti en ce qui concerne les liens (imaginaires) entre Djemila Benhabib et la Meute. Que des membres de la Meute disent s’être inspirés d’elle ne signifie absolument pas qu’elle y est associée, pas plus que Sam Harris n’est associé à moi, même s’il est un auteur inspirant pour moi. Madame Benhabib aussi, je la connais beaucoup mieux que vous. Elle ne veut rien savoir de la Meute. Elle n’a JAMAIS accepté que la sécurité lors des événements qu’elle organise soit assurée par la Meute.
De plus, un philosophe devrait s’assurer d’appuyer ses critiques sur des prémisses solides, de bien connaître les discours qu’il critique avant de les critiquer. Entre autres, il semble clair que vous n’avez jamais lu Ma vie à contre-coran, puisque vous avez écrit, et je vous cite : « Elle y annonçait déjà ses couleurs de troll anti-islam ». Voici pourtant un extrait de Ma vie à contre-coran :
Contrairement à ce qu’on croit trop souvent, les musulmans ne forment pas un bloc monolithique. Ils appartiennent à des classes sociales, des cultures, des nations différentes. L’islam se décline au pluriel et regroupe plusieurs visions antagoniques. Reconnaître cette diversité, c’est permettre l’expression de voix jusque-là inaudibles parmi les musulmans, notamment celle des laïcs. Il ne peut exister UNE communauté musulmane, mais DES communautés musulmanes, parmi lesquelles on compte une majorité respectueuse des valeurs démocratiques de ce pays. Dans le débat concernant les accommodements raisonnables, les immigrants de foi ou de culture musulmane sont les grands perdants. Ils sont devenus des suspects alors que la plupart d’entre eux ne demandent aucun accommodement, mais simplement la possibilité de partager leurs diverses expériences avec leurs coreligionnaires. De grâce, ne les rendons pas coupables par association. Ne les stigmatisons pas. Ils sont porteurs d’expériences formidables ; ils sont une richesse pour le Québec. S’il est vrai qu’il existe une multitude d’islams, reste à savoir lequel est soluble dans la démocratie. C’est cette épineuse et complexe question qui nous interpelle collectivement. Ne laissons pas aux seuls musulmans la responsabilité historique d’en décider. Cet enjeu, nous devons y répondre ensemble dans la transparence, l’échange, l’ouverture et la vigilance. Doit-on réinventer notre démocratie pour accommoder les islamistes ou s’assurer plutôt qu’ils n’interfèrent pas dans les affaires de la Cité ? […] Si l’État continue de faire l’autruche et de fermer les yeux sur l’énorme malaise des immigrants face au marché de l’emploi, il contribuera à nourrir un ressentiment qui ne peut conduire qu’à un immense gâchis et à l’exclusion. (BENHABIB, Djemila, Ma vie à contre-Coran, Montréal, VLB, 2009, p. 25-26)
Saviez-vous par ailleurs, Monsieur Camus, que Madame Benhabib a organisé à plusieurs reprises des activités où elle donnait la parole à des musulmans issus de divers milieux, de diverses cultures, afin de leur donner la chance de parler notamment de leur rapport à leur religion ? En caricaturant ses positions comme vous faites, vous vous rendez coupable de la même chose que les gens xénophobes, racistes contre les Arabes ou hostiles aux musulmans en général (parce que oui, je reconnais que ça existe, et Monsieur Doyon le reconnaît aussi), qui récupèrent des éléments de son discours sortis de leur contexte afin d’appuyer une vision des choses qui n’a rien à voir avec la sienne.
Finalement, vous reprochez à Monsieur Doyon de vous « offrir comme cible aux haters ». Vous n’avez pas tort. Cela fait partie des réactions auxquelles vous devriez vous attendre, comme je le mentionnais en introduction. À ce sujet, j’aimerais attirer votre attention sur le traitement que vous réservez vous-même à Djemila Benhabib et à François Doyon sur vos pages (et j’ai eu l’occasion de constater que vous me faisiez la même chose et que vous le faites aussi à plusieurs autres personnes). Pour ce qui est d’offrir des gens comme cibles aux haters, vous ne donnez pas votre place!
Vous êtes lu par des gens qui haïssent Djemila Benhabib et qui se font un plaisir de lire du mal d’elle, sans se soucier de l’exactitude des propos. De votre côté, vous semblez vous faire un plaisir de leur donner satisfaction. Voici quelques exemples de commentaires agressifs, injurieux à l’endroit de Madame Benhabib que l’on peut trouver sur vos pages, sans aucune modération de votre part (il vous arrive même de faire J’aime sur les commentaires) :

Je vous rappelle d’ailleurs que Madame Benhabib a été contactée par la police au sujet du colloque ayant eu lieu le 29 septembre dernier, auquel je participais : vos écrits au sujet de ce colloque nous ont valu la nécessité de surveillance policière pour un colloque qui portait sur la religion, le racisme, le féminisme et la science ! Votre réaction devant cela : tenir pour acquis que Madame Benhabib mentait. Ce fut également la réaction de vos supporters. Mais encore une fois, remettez-vous un peu en question ! En tant que conférencière invitée à ce colloque, je suis de ceux qui ont eu le nom et les coordonnées du policier chargé de l’enquête et j’ai communiqué avec lui. Je confirme que Madame Benhabib a dit la vérité. Certains de vos sbires ont cherché à me soutirer ces informations, ou de les soutirer à Madame Benhabib. Devant notre refus de répondre, la réaction de vos sbires s’est composée de ricanements et d’une certitude satisfaite que Madame Benhabib avait effectivement menti. Croyez-vous vraiment que ce genre d’information est à donner à n’importe qui ?
Vous avez le droit de critiquer Djemila Benhabib, Monsieur Camus. Mais si vous continuez de le faire de cette façon-là, alors assumez que vous ne vous ferez pas seulement des amis et que les gens qui apprécient cette écrivaine, ou même simplement les gens qui ont le souci de la vérité et de la rigueur intellectuelle se retourneront contre vous (j’ai bien dit le souci de la vérité et de la rigueur intellectuelle, pas celui de faire triompher votre vision des choses ; vos supporters ont tendance à confondre les deux et à se vanter d’être soucieux de la vérité, mais ils se font des illusions). Si vous voulez continuer de jouer à ce jeu-là, ne vous plaignez pas que Monsieur Doyon et d’autres poursuivent la partie.
Voyons maintenant le genre de commentaires que vous suscitez sur François Doyon, et même un commentaire franchement arrogant que vous vous permettez sur lui :



Notez, dans la dernière capture, le mensonge d’Ebbie Dee, aussi connue comme Elisabeth Dubois, qui prétend que François Doyon et moi-même avons intimidé des gens (cherchez des preuves que nous avons réellement intimidé des gens, vous n’en trouverez jamais ; il nous arrive de nous moquer, d’être impertinents, mais de l’intimidation, voilà une chose que nous n’avons jamais faite), et la volonté exprimée de nous empêcher d’enseigner : n’est-ce pas ce que vous déplorez qu’on vous fasse, Monsieur Camus?
Voici une autre capture d’écran prise sur votre page Facebook, particulièrement intéressante, avec un commentaire montrant qu’on vous croit sur parole à l’effet que Monsieur Doyon est un intimidateur (ce qu’il n’est pas), et un commentaire dont seul l’émoticône à la fin permet de douter que ce soit un appel à harceler l’administration du cégep de St-Jérôme :

Encore une fois, il est à noter que plusieurs de vos supporters parlent de chercher à faire perdre son emploi à Monsieur Doyon, et que c’est précisément ce que vous déplorez que d’autres cherchent à vous faire. Vous savez, à l’époque où vos écrits fallacieux, qui nuisent aux réputations de diverses personnes, ont commencé à déranger, j’ai vu passer des commentaires et statuts Facebook à l’effet qu’on devrait appeler l’administration des collèges qui vous avaient embauché, afin de vous faire perdre vos postes. J’ai réagi à cela, même si je ne vous apprécie pas. J’ai réagi notamment avec un statut public, dont vous pouvez voir un extrait ci-dessous, dans lequel je rappelais à mes contacts et abonnés que c’est à son enseignement et à son rapport avec ses élèves qu’on doit juger si un enseignant est à sa place, et non à ce qu’il écrit sur un blogue ou sur les réseaux sociaux.

Seriez-vous prêt à défendre Monsieur Doyon de la même manière ? Si oui, vous n’en avez pas fait la preuve. Et moi, seriez-vous prêt à me défendre de la même manière ? Vous êtes certainement au courant que plusieurs de vos supporters se permettent de juger que je ne suis pas à ma place dans l’enseignement de la philosophie au niveau collégial, en dépit qu’ils ne savent rien de mon enseignement ni de mon rapport avec mes élèves, qu’ils ne m’ont même jamais côtoyée. Je dis que vous êtes certainement au courant parce qu’il arrive que certains en parlent sur vos pages. Encore une fois, certains véhiculent aussi sur votre page le mensonge à l’effet que j’aurais déjà intimidé des personnes (une capture d’écran ci-dessus en témoigne), un mensonge auquel vous semblez prêter foi sans avoir jamais pris la peine de vérifier.
Bref, Monsieur Camus, je vous invite à remettre en question vos façons de faire, et à traiter les gens avec les mêmes égards avec lesquels vous semblez vouloir être traité. Je ne me fais pas d’illusions sur l’effet que cette lettre aura sur vous. Si vous réagissez comme d’habitude, vous demanderez à vos supporters de vous assurer que vous avez raison, et ils s’empresseront de le faire en disant que ce n’est pas la même chose, parce qu’eux et vous-même vous attaquez à des méchants alors que vos détracteurs s’attaquent à vous, qui êtes un gentil. À croire que vos fans voudraient qu’on vous remercie de diffuser des mensonges sur les gens et de les livrer à leur vindicte. J’espère au moins que vous y réfléchirez. Sinon, continuez votre jeu, mais dites-vous bien que d’autres sont capables de jouer aussi.